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Agone n° 18-19 - pdf (1090 Ko) - Atheles

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FICTIONS & DICTIONS 221<br />

lettres étaient les compagnons des princes, ils leur étaient aussi chers<br />

qu’Anacréon l’était à Polycrate, Philoxène à Denys l’Ancien, et ils<br />

étaient couverts de récompenses. Alexandre envoya 50 talents au<br />

philosophe Xénocrate parce qu’il était pauvre ; les personnes érudites et<br />

exceptionnelles possédant une vision éclairée du monde s’asseyaient<br />

autrefois à la table des rois 138 , rapporte Philostrate à propos<br />

d’Hadrien, de même que Lampride à propos d’Alexandre Sévère, de<br />

grands lettrés fréquentaient la cour de ces princes comme s’ils allaient<br />

au Lycée 139 , c’est-à-dire à l’université, et étaient accueillis à leur table<br />

presque comme s’ils s’étendaient sur le lit du banquet des dieux 140 ;<br />

Archélaos, roi de Macédoine, préférait dîner en compagnie d’Euripide<br />

(entre autres choses, il lui porta un toast un soir et lui offrit une<br />

coupe en or pour le remercier, tant il avait apprécié la conversation<br />

agréable du poète 141 ), ce qui n’était que naturel ; car, comme Platon<br />

le dit si bien dans son Protagoras, un bon philosophe surpasse autant les<br />

autres hommes qu’un grand roi surpasse les gens ordinaires de son pays.<br />

D’ailleurs comme ils n’avaient besoin de rien & qu’ils se contentaient du<br />

minimum, qu’eux seuls étaient capables d’inspirer du respect pour les arts<br />

qu’ils professaient 142 , ils n’étaient pas obligés de mendier aussi<br />

bassement que les hommes de lettres d’aujourd’hui, d’invoquer leur<br />

pauvreté 143 , ni de ramper devant un rustre fortuné pour avoir droit<br />

à un repas, et ils savaient très bien se défendre, eux-mêmes et les arts<br />

qu’ils pratiquaient. Les hommes de nos jours aimeraient bien faire de<br />

même, mais en sont incapables : car certains patrons émettent<br />

l’hypothèse qu’en les maintenant dans la pauvreté ils les obligeront à<br />

étudier ; il ne faut pas les gaver mais leur faire suivre un régime,<br />

comme les chevaux avant la course, ils veulent les nourrir et non les<br />

engraisser, de peur d’éteindre chez eux l’étincelle du génie 144 : un oiseau<br />

138. [Vie des sophistes.]<br />

139. [Spartien : Vie d’Hadrien, Chap. 26, § 5.]<br />

140. [Virgile : Énéide, Liv. 1, Vers 79.]<br />

141. [Plutarque : De la fausse honte, § 7, 531 E.]<br />

142. Heins : Poemata, préface.<br />

143. Les hommes de lettres sont dorénavant considérés comme des esclaves.<br />

144. Sénèque : [Lettres à Lucilius].

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