(Cerdagne) : conflits de propriété et d'usage - Centre de Recherches ...

MARIE-PIERRE RUAS, CHRISTINE RENDU & AGNÈS BERGERET
semble être conjugué à un élevage ovin de rapport dont la laine sert le
dynamisme économique du castrum (Ruas 2002b). L’agriculture, dans le territoire
du castrum des Angles, pouvait s’organiser selon un système herbagercéréalier
similaire où le seigle occuperait, cependant, une place plus prégnante.
À Enveig, il est conduit aux marges d’un terroir arable plus étiré (?) comme
culture temporaire d’estives en ressource immédiate.
La gesse cultivée est peu fréquente parmi les découvertes et ses restes
jamais abondants en France méridionale. Compte tenu de leurs attestations
carpologiques, on aurait davantage attendu la féverole (Vicia faba var. minor)
et le pois (Pisum sativum), seconds des céréales dans l’alimentation ordinaire
(Ruas 1998). Quelle place lui serait dévolue dans un système agraire de haute
montagne : graine fourragère ? Légumineuse alimentaire seule à pouvoir être
cultivée localement en complément des bouillies de céréales et du pain ? La
présence du froment dans les assemblages des Angles est-elle liée au statut
socio-économique de la communauté castrale (traitement de redevances
apportées depuis les terres plus propices) ? Quelle place, enfin, pour une fructiculture
dans ce contexte climatique ?
Les deux exemples posent plus de questions qu’ils ne dégagent une
réelle spécificité des cultures médiévales de la haute montagne. À comparer les
spectres des plantes utilitaires enregistrées dans les bâtiments domestiques du
castrum des Angles avec ceux des habitats contemporains ruraux ou urbains
des plaines, force est de constater une apparente uniformité. L’absence de
quelques espèces fréquentes ailleurs comme le millet, la féverole ou le pois
n’est pas là le gage d’une particularité en raison du caractère somme toute
ponctuel de ces premières données. C’est la diversité des produits qui surprend
peut-être naïvement. Toutefois, elle s’oppose à l’image misérabiliste qui
s’exprime dans les mentions écrites et à notre propre regard jugeant contraignantes
les conditions topographiques et climatiques de la haute montagne.
Les productions domestiques à petite échelle, plus banales, voire méprisées
aux yeux des enquêteurs des siècles médiévaux, jouent un rôle discret mais
essentiel dans la vie des communautés. La lecture répétée de telles traces matérielles
croisée avec celles des archives écrites devrait permettre de saisir la
spécificité ou la diversité des situations.
159