(Cerdagne) : conflits de propriété et d'usage - Centre de Recherches ...

VÉRONIQUE IZARD
de Coma-Preona ne devra être coupé parmi les vingt quatre arbres affectés
aux habitants des communautés. P. Record, forestier, est chargé de contrôler
les arbres qui seront abattus36. Dans un contexte d’expansion commerciale et
de conquêtes en Méditerranée, le souverain réserve une partie des ressources
forestières à la fabrication de navires de guerre et à la flotte marchande.
C’est par flottage que les trains de bois sont parfois conduits jusqu’à
Collioure où sont construits des barques et autre sortes de navires37.
Au delà de mises en réserve édictées pour répondre aux besoins spécifiques
des communautés et aux exigences maritimes et militaires, le roi interdit
l’accès de certaines forêts qu’il réserve semble-t-il à l’exercice de la
chasse. Il s’octroie l’exclusivité sur ces espaces. Aucune pratique de quelle
nature qu’elle soit n’y est autorisée sans son consentement. Par ordonnance
du 18 novembre 1311, il interdit formellement à tout homme et femme (nuyl
hom ni femna), de chasser dans le bois de Millas, d’y couper du bois vert
d’extraire des bois secs. Aucune bête, grossa ou menuda, ne doit y entrer
pour paître. Tout contrevenant sera passible d’une amende proportionnelle
au délit commis ; si celui-ci intervient de nuit la peine pourra être multipliée
par trois38. Si l’ordonnance reste peu loquace sur le motif réel de mise en
défens, la criée prononcée un demi siècle plus tard, au sujet du bois royal
situé derrière le château de Perpignan, confirme bien que ces espaces, où
tous usages et pratiques sont strictement prohibés, sont bien réservés à
l’exercice de la chasse et aux bénéfices que le souverain peut en retirer. Personne
n’est autorisé à entrer dans le dit bois royal, d’y chasser avec des cans,
balesta ne ab negun altre artifici, de cassar de nits ni de dies, sous peine
d’amende et de confiscation des armes utilisées. Le 18 février 1444, les
mêmes interdits seront réitérés et le pacage en forêt y est toujours prohibé39.
- Les « forêts pâturées »
Les ordonnances antérieures au XIVe siècle évoquent rarement la dépaissance
des troupeaux en forêts, on voit bien cependant, à travers les interdits
prononcés dès 1306-1310 à l’égard des forêts usagères ou des bois de
réserve, que le pacage sous forêt ou l’émondage pour l’alimentation des
36 « … no degen pen(re) negun aybre que sia bo ad aybres de nau ni ad entenes ni ad altres
aybres de mar e quels dits aybres aga a veser en P. Recort foraster ans quels talen… », cf.
transcription V. Izard, Les montagnes du fer … op. cit., tome II, 139 ; Arch. dép. Pyr-Or., 1 B
94.
37 V. Izard, « Minerais, charbons de bois et fers dans les Pyrénées de l’est : trafic licite et
contrebande aux XIVe-XVIe siècles », Circulació de mercaderies i xarxes comercials als
Pirineus, segles XIII-XIX, Col.loqui d’Andorra, octobre 2003, Andorre, à paraître.
38 V. Izard, Les montagnes du fer … op. cit., tome II, 140 ; Arch. dép. Pyr-Or., 1 B 94.
39 Arch. dép. Pyr-Or., 1 B 153, 1390 ; 1 B 267.
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