(Cerdagne) : conflits de propriété et d'usage - Centre de Recherches ...

VÉRONIQUE IZARD
nent pas ces lieux aux prélèvements domestiques. Seuls les troupeaux transhumants
utilisent ces espaces comme zones de parcours et de pacage, mais
les bénéfices retirés sont bien moindres au regard de ceux qu’ils peuvent
procurer. La forge et la scierie apparaissent alors comme un moyen de valorisation
des forêts. Sous l’autorité du souverain ou des clercs, de puissants
aristocrates se voient accorder le droit d’élever molines et molis serradors et
d’exploiter les bois domaniaux ou possédés en indivis16. La répartition géographique
des forges et scieries au XIVe siècle met clairement en évidence
ce rapport entre forêts enclavées ou difficilement accessibles et implantation
des usines17.
L’établissement des forges et moulins à scier est contrôlé, et les prélèvements
sont strictement encadrés. On retrouve, comme dans les documents
du XIIe siècle, ce souci d’éviter la concurrence entre les ateliers ;
concurrence responsable d’un surprélèvement forestier qui à terme conduit à
une sous ou non production des forges. On interdit donc l’implantation de
moulines dans les limites du territoire concédé à un – voire deux – établissements
de même type. Dans l’acte de concession des deux moulines de
Saint-Guillem de Combret, l’édification de tout nouvel atelier sidérurgique
est prohibée18.
Si le procureur ne permet aucune édification de forge, il va cependant
autoriser qu’une scierie s’élève à proximité. Conscient des différentes exigences
en matière forestière entre une forge, grosse consommatrice de charbon
de bois, et une scierie, exigeante pour la qualité du bois d’œuvre, le
souverain va scrupuleusement organiser les prélèvements entre les différents
ateliers afin de tirer profit de tous les bois exploités. C’est ainsi que l’on voit
fréquemment s’élever sur les torrents des vallées forestières, une forge et une
scierie à proximité19.
16 Sur l’aristocratie minière et métallurgique se reporter à : V. Izard, « La ‘Révolution
industrielle’ du XIVe siècle. Pouvoirs, enjeux, gestion et conflits autour d’un patrimoine
minier, sidérurgique et forestier convoité (Pyrénées catalanes, France) », DOMITIA, n° 2,
CRISM, Université de Perpignan, 2002, 43-62.
17 Cf. infra., carte des « Molines et molis serradors au XIVe siècle ». La carte fait état des
connaissances actuelles. Le prolongement de la recherche révèlera très certainement
l’existence d’ateliers pour l’heure non identifiés.
18 « … lo dit P. de Bardoyl atorgua al dit R. Rog que en lo dit bosch lo dit senyor rey o altre
per el no pusquen donar licencia ad altre de fer fer molina sino tant solament aquestes dos
molines atorgades al dit R. Rog… », transcription in : V. Izard, Les montagnes du fer …
op. cit., tome II, 119-120.
19 C’est le cas dans les vallées de Prats de Mollo, à la Coma de Lancer et dans le bois de
Saint Guillem de Combret ; ou bien en Conflent, sur les territoires de Formiguères,
Villefranche, dans les vallées de la Carança, Conat ou encore Valmanya.
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