(Cerdagne) : conflits de propriété et d'usage - Centre de Recherches ...

ELISABETH BILLE
qu’étaient fermés aux villageois d’All les jardins dans lesquels étaient cultivés
des choux ou d’autres légumes destinés à l’alimentation familiale. Enfin,
il était interdit aux hommes d’All de scier les arbres appartenant aux hommes
de Greixèr.
Pour finir, montons d’un cran sur le versant pour nous transporter sur
la soulane de Carol. En 1373, un accord intervint entre la communauté valléenne
de Carol et les hommes d’Enveig et des hameaux voisins au sujet du
droit d’accès dont disposaient ces derniers sur le Solà de Querol25 . Premier
point : les habitants de la montagne d’Enveig détenaient sur le versant un
droit de boisage mais pouvaient prendre dans la forêt du bac de Font Viva
seulement des fûts nécessaires aux constructions domestiques. Second point :
il leur était interdit d’introduire sur l’étendue du versant aucun bétail, gros
ou menu.
Un espace modulable au gré des déplacements des
hommes et des troupeaux
Nous l’avons déjà amplement souligné : le caractère saisonnier et
éminemment fluide de l’utilisation des ressources sylvo-pastorales occasionnait
des modes de définition fort souples des territoires. Ainsi, et à
l’encontre de toute velléité de simplification abusive sur la base du doublet
territoire-limites, le procédé de délimitation d’un espace en fonction des pas
des hommes et des troupeaux témoigne-t-il du caractère polymorphe des
identités et des constructions territoriales. Dans le cadre qui nous occupe,
trois textes suffisent à découper les profils de ces manières de
territorialisation.
En 1087, le comte Guillem de Cerdagne et l’abbaye de Ripoll enregistrèrent
les dispositions suivantes26. D’une part, le comte reconnaissait aux
religieux le droit de mener paître leurs ovins dans les sept vallées de Nùria.
D’autre part, une clause annexe explicitait de la manière suivante le trajet
que devaient suivre les troupeaux de l’abbaye dans les vallées situées à l’est
et au nord-est de celles de Nùria : “ maneatis in collo de Muntarell intrante
marcio usque exitum mai et de istud terminum in antea maneatis in coma
Armada de III dies usque in octo et de III dies usque ad octo in valle de
25 Arxiu Históric comarcal de Puigcerdà, Liber Extraneorum 1373-1374 (B. Blanch), F°23sq.
le texte a fait l’objet d’un commentaire partiel dans : C. Rendu, La montagne d’Enveig. Une
estive pyrénéenne dans la longue durée, Perpignan, Ed. Trabucaire, 2003, p. 44.
26 B. Alart, Cartulaire Roussillonnnais, Perpignan, Imprimerie Latrobe, 1886, doc. n°LXV.
B. Alart recopia une charte du XVe siècle conservée dans les archives de Perpignan sous la
côte H272.
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