(Cerdagne) : conflits de propriété et d'usage - Centre de Recherches ...

VÉRONIQUE IZARD
LES ANNÉES DE MALHEUR ET LE BOULEVERSEMENT DES
PRATIQUES
Les temps de crise et de désolation qui marquent la seconde moitié du
XIVe siècle contrastent vivement avec la phase d’expansion et de développement
précédente. La gravité de l’épidémie de peste de 1348, alourdie par
ses récurrences enregistrées au cours des périodes suivantes, provoque une
réelle crise démographique et réduit pour longtemps tout espoir de repeuplement.
Les effets extrêmement graves de la maladie, accentués par les
méfaits et vicissitudes de la guerre, se répercutent sur la géographie villageoise.
Plusieurs lieux ne renaîtront pas après la peste et l’exode rural aggrave
le problème de dépopulation des secteurs montagnards. La crise démographique
se traduit nécessairement par une diminution considérable des
pressions sur l’ensemble des forêts. Toute l’économie paysanne et protoindustrielle
du pays se trouve bouleversée. Les répercussions sur l’activité
sidérurgique, grosse consommatrice de bois, sont immédiates. L’expansion
de la sidérurgie, suscitée par le développement de la mouline hydraulique, a
brusquement été interrompue. De nombreuses forges confinées dans des
secteurs rudes et hostiles sont abandonnées65. L’inactivité des ateliers se
traduit par l’interruption de l’exploitation charbonnière. La récession importante
des prélèvements est favorable à la fermeture des milieux et à la
reconquête forestière. Les sources écrites sont éloquentes à ce sujet, et les
résultats des études palynologiques montrent une recrudescence importante
des marqueurs d’enfrichement conjointement à une augmentation des pollens
forestiers.
La peste eut non seulement pour effet d’interrompre le processus de
surexploitation et de dégradation, mais de réduire considérablement les besoins
en bois. Qu’ils soient communautaires, artisanaux ou industriels, les
prélèvements sont dans de nombreux secteurs réduits à néant. La dépopulation
provoque un recul important des activités agricoles et pastorales. Autour
des villages, les nombreuses terres de culture abandonnées s’enfrichent et se
reforestent. Le diagramme palynologique des Cortalets met en évidence une
diminution des pollens de céréales (Secale) et des plantes cultivées (Vitis,
Olea), traduisant un recul des pratiques culturales. En altitude, la baisse de
fréquentation des pâturages s’accompagne d’une réduction des pelouses,
colonisées alors par les landes à Éricacées, myrtilles et rhododendrons, et
d’une fermeture progressive des espaces reconquis par la pinède.
L’augmentation des fréquences polliniques de Pinus s’accompagne d’une
baisse conséquente des Poacées, Cypéracées et Cichorioidées aux environs
65 ibidem, p. 258 et suiv.
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