(Cerdagne) : conflits de propriété et d'usage - Centre de Recherches ...

LES FORÊTS NORD-CATALANES DU XIIe AU XIVe SIÈCLE ...
pourra être édifiée sans le consentement de l’abbé de Camprodon. Seules les
forges déjà existantes et les hommes des communautés bénéficiant d’anciens
droits d’usage conservent leurs privilèges10. L’exclusion des autres,
l’interdiction de toute exploitation commerciale et de toute concurrence
industrielle met en évidence la priorité accordée à « l’industrie charbonnière
» et ce même si les habitants des lieux restent autorisés à puiser leurs
ressources au sein de l’espace défini. Ces mesures révèlent non seulement
l’intérêt porté aux ateliers métallurgiques en place, mais le souci d’écarter
tout préjudice à leur activité. De telles dispositions s’imposent face à
l’inquiétude de manquer de combustible, situation qui nuirait nécessairement
à l’activité des manticas11 existantes et affecterait directement les revenus de
l’abbaye.
La mise en réserve prouve par ailleurs qu’un espace forestier, strictement
délimité, est en partie affecté à l’affouage de ces ateliers. Édicté dans
tous les actes de concession des moulines hydrauliques du XIVe siècle, ce
fait apparaît, à la fin du XIIe siècle, comme une mesure nouvelle. Les petits
ateliers du Haut Moyen Âge semblent en effet s’approvisionner au gré des
ressources offertes par les forêts sans répondre visiblement à une quelconque
organisation. Pour preuve, la multitude de vestiges de forges recensés dans
des secteurs tout à fait surprenants – voire hostiles à toute activité humaine –
et dépourvus de filons métallifères12. Visiblement, les dispositions édictées
autour des manticas de Py sont l’expression d’un changement des modes
d’approvisionnement des ateliers proto-industriels, à savoir une aire
délimitée et réservée, témoin des premiers signes de gestion des forêts au
service des forges.
Un autre document, daté de 1168, prouve le cantonnement des exploitations
à des fins métallurgiques et met en exergue l’utilisation spécifique
des charbons de bois au sein de l’atelier sidérurgique. La convention
signée entre l’abbé d’Arles et Bertrand de Buada détermine les droits et fixe
les redevances perçues par ce dernier sur le fief de Coustouges. Il est reconnu
qu’il recevra du manse de Boscherons, dépendant du fief, « autant de
charbons qui seront nécessaires à la fabrication des outils de fer, excepté
ceux des tailleurs de pierre ». Une telle restriction laisse imaginer que le
10 Arch. dép. Pyr-Or., 1 B 138.
11 Manticas est le nom utilisé dans le document du XIIe siècle pour désigner les ateliers
sidérurgiques implantés sur le territoire de Py ; ateliers dont on a encore beaucoup de mal à
apprécier la fonction – forge de réduction du minerai et/ou forge de transformation du fer – et
pour lesquels on ne dispose d’aucune description technique.
12 Pour ne citer qu’un exemple, des ferriers de « forges itinérantes » se retrouvent à plus de
1900 mètres d’altitude dans la haute vallée de Mantet ; cf. V. Izard, Les montagnes du fer…
op. cit., 143-164.
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