(Cerdagne) : conflits de propriété et d'usage - Centre de Recherches ...

SALVATGINES ET SOCIÉTÉS MONTAGNARDES...
Encadrée sur le plan conceptuel, la démarche débouche sur une notion
de plus en plus préconisée par les organismes de gestion des espaces naturels,
celle d’habitat, un cadre écologique au sein duquel vit une espèce, une
population ou un groupe d’individus. Même si la démonstration demeure
partielle, en raison du caractère lacunaire des sources, la reconstitution des
habitats anciens peut permettre de mieux comprendre pourquoi une espèce a
pu subsister ou au contraire disparaître. Dernier intérêt de la méthode enfin,
celui qui consiste à voir dans tel ou tel animal un bioindicateur pour
apprécier la qualité de l’environnement des siècles antérieurs. Il ne fait plus
aucun doute que les modifications et les fluctuations de la flore ont eu une
incidence directe sur le comportement de la faune au cours des âges.
Incapables de s’adapter aux modifications de plus en plus souvent d’origine
anthropique, certaines espèces ont émigré, disparu ou reculé. L’animal peut
aussi, et ce n’est pas le moindre intérêt, être un marqueur des grands
épisodes climatiques et démographiques des cinq derniers siècles.
LES GRANDS PRÉDATEURS : UNE GUERRE TOTALE
Vivant sur un même territoire, la cohabitation entre les fauves et les
pasteurs apparaît rapidement impossible si bien que leur histoire commune
ne tarde pas à se décliner sur le mode conflictuel. La colonisation, suivie de
la mise en place d’un système agro-pastoral, porte en elle les germes d’une
lutte inexpiable. De facto, sous les effets d’une pression démographique
toujours plus marquée, l’homme allait inexorablement grignoter l’espace
vital des grands prédateurs, de plus en plus perçus comme de dangereux
rivaux dans le cadre de la conquête des estives.
Le colon, le feu et le fauve (XIVe-XVIe siècles)
Dans son ordonnance donnée en 1345 pour la Cerdagne, le Conflent et
le Vallespir, le roi d’Aragon compare les espaces forestiers composés de
forêts de sapins impénétrables à « un réceptacle qui accueille une grande
quantité de bestes féroces »8. Ainsi, dès cette époque sont étroitement liées
aux yeux des autorités la flore et la faune, au point qu’à un certain type de
végétation, en l’occurrence ici la sapinière à caractère primaire, correspondent
certaines espèces animales dont les grands carnassiers sont les figures
emblématiques. Désireuses d’humaniser, ou plutôt de coloniser ces espaces
vierges, les monarques aragonais optent pour une solution ô combien radicale
: la destruction pure et simple du milieu jugé hostile à l’homme pour le
remplacer par un nouveau paysage ouvert à la colonisation. Aussi la même
8 Arch. dép. Pyrénées-Orientales, 1 C 1249.
334