(Cerdagne) : conflits de propriété et d'usage - Centre de Recherches ...

VÉRONIQUE IZARD
sable. Si cette considération de l’espace forestier a eu sens au cours du
Moyen Âge médian, il semble qu’elle ne trouve plus le même fondement au
lendemain de l’an mil. Dans le contexte de croissance économique et démographique,
la diminution des surfaces boisées et les intérêts croissants envers
ces ressources, alertent les autorités en place. Contrôler l’exploitation,
cantonner et encadrer les pratiques, devient une préoccupation fondamentale
qui, loin de s’inscrire dans une simple logique de situation, apparaît comme
le fruit d’une longue maturation.
DES PREMIERS SIGNES DE GESTION AU CANTONNEMENT
DES PRATIQUES
Caractérisées par une anthropisation précoce et forte, les Pyrénées de
l’est ont connu une activité sidérurgique ancienne et importante. Cette protoindustrie
s’inscrit depuis l’Antiquité comme un des facteurs primordiaux
dans le fonctionnement du système agro-sylvo-pastoral qui a façonné les
paysages depuis le Néolithique9. Apprécier le poids des activités liées à la
sidérurgie permet de comprendre et d’interpréter les premiers signes de gestion
des espaces forestiers. C’est en effet à travers les sources écrites liées au
développement de la métallurgie du fer qu’une première organisation des
prélèvements est perceptible.
Alors qu’il est pratiqué depuis plus d’un millénaire, le charbonnage
des forêts à des fins « industrielles » n’est pas évoqué avant le milieu du XIIe
siècle. Étant considéré comme une activité traditionnelle, on peut penser
qu’il ne suscite aucun recours à l’écrit. Or, c’est au cours de la phase
d’expansion socio-économique, période où se multiplient les usages et où se
diversifient les pratiques, que l’industrie charbonnière émerge des documents.
Les premières mentions sont peu explicites mais laissent néanmoins
percevoir une certaine organisation des exploitations forestières pour la
métallurgie, dictée par les autorités laïques ou ecclésiastiques. Si parfois les
hommes des communautés conservent des droits illimités sur certaines forêts,
l’exploitation des bois pour les forges apparaît cantonnée, alors que
l’emploi du charbon, au sein de quelques établissements, fait l’objet de restrictions
évidentes.
En 1183, Alphonse Ier, roi d’Aragon, cède au monastère de Saint-
Pierre de Camprodon les forges de Py et leurs dépendances, en l’occurrence
les bois situés sur le dit territoire. L’acte de concession précise les limites de
l’espace concédé et détermine les droits d’usage sur les forêts. Il est clairement
stipulé qu’aucun bois ne pourra être vendu et qu’aucune autre forge ne
9 V. Izard, Les montagnes du fer … op. cit.
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