(Cerdagne) : conflits de propriété et d'usage - Centre de Recherches ...

EMMANUEL GARNIER
majoritairement des fusils de chasse auxquels s’ajoutent des escopettes et des
« pistolets de poche ».
Plus intrigants sont les arrêtés qui mentionnent, sans plus de précisions,
les « batteries d’armes à feu », un terme qui désigne probablement un
système comparable au « trébuc » utilisé en vallée d’Aspe. Arme de tir équipée
de plusieurs canons parallèles de gros calibre et chargés à mitraille, la
mise à feu s’opère par l’intermédiaire d’un percuteur relié à un fil tendu sur
la piste empruntée par l’animal. En fait de fauve, il n’était pas rare que de
jeunes enfants ou des adultes ignorants de son installation fassent les frais de
la machine infernale.
Classique mais nécessitant une participation collective de la communauté,
ce que les abbés de Saint-Michel-de-Cuxa désignent comme la
« grande chasse », la battue, n’est organisée qu’en cas de grave menace pour
l’ensemble du village, comme ce fut le cas dans les Fenouillèdes en 1785.
Une opération d’envergure y fut conduite, prise en main par les lieutenants
de la louveterie appelés à la rescousse par l’intendant. Après une phase préliminaire
de reconnaissance en forêt où les attaques s’étaient produites, les
battues débutèrent à la mi-août en forêt de Boucheville. La traque consistait
à suivre les traces (fientes, empreintes) laissées par les assaillants jusqu’à ce
qu’ils soient débusqués et tués.
Efficace, la battue le fut probablement puisque le tableau de chasse
s’élevait à quinze bêtes fauves éliminées dont six ours après seulement une
semaine de chasse. Pour autant, l’effort consenti s’avéra insuffisant en raison
de la mauvaise volonté des paysans, peu motivés à l’idée de voir s’éterniser
le « safari ». Les battues exigeaient en effet la disponibilité de villages
entiers et chacune mobilisait entre 170 et 250 chasseurs, ou plutôt rabatteurs,
durant plusieurs jours, à une période où les travaux des champs réclamaient
tous les bras disponibles.
Extermination véritable ou dégradation des
écosystèmes montagnards ?
Le chasseur est-il donc le seul à avoir eu la peau de l’ours et du loup ?
Une réponse affirmative semble être de rigueur tant les motivations et les
moyens cynégétiques mis en œuvre, relayés par la législation royale, n’ont
jamais fait défaut depuis la fin du Moyen Âge au moins. Tous témoignent
d’une volonté collective clairement affichée d’éradiquer définitivement les
nuisibles de la montagne. Pour autant, se limiter à cette seule origine revient
à circonscrire le phénomène aux seules sociétés pastorales qui, par
l’intermédiaire de leurs chasseurs, auraient prononcé la sentence. C’est oublier
un peu rapidement que d’autres acteurs interviennent à compter du
XVIe siècle dont les objectifs économiques ne sont pas moins importants.
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