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ICOM International Council of Museums - International Institute for ...

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Le provocative paper de Martin Schärer souligne que les temps de crise – et enparticulier les guerres – sont des moments cruciaux pour les musées, moments tropsouvent ignorés d’ailleurs. Je travaille depuis plusieurs années sur les rapports entreguerres et musées au cours des deux derniers siècles, recherche qui se concrétiseradans un livre à paraître en 2007. Dans la présente contribution, je voudrais présenterquelques points <strong>for</strong>ts de la relation – complexe – entre guerres et musées.Musée, histoire, guerreLes rapports entre histoire et musée peuvent s’envisager selon deux points de vue :soit comment le musée parle – notamment par l’exposition – du passé historique (c’estle domaine des musées d’histoire au sens large), soit comment le musée est le résultatou le jouet des événements historiques. Mon étude ne s’intéresse pas aux musées dela guerre, ceux qui la racontent, l’illustrent ou la dénoncent, mais adopte le secondpoint de vue : comment le musée vit et s’inscrit dans les crises de l’histoire queconstituent les conflits armés. Il ne s’agit pas non plus d’une étude historique sur lemusée pendant les guerres mais bien d’une analyse muséologique : les rapports entreguerres et musées. Le point de vue est celui du muséologue, pas celui de l’historien.C’est pourquoi, dans cette étude comme dans le livre en préparation, j’ai délibérémentévité de suivre un fil chronologique au pr<strong>of</strong>it d’une approche plus thématique. Pourquoiles guerres ? Parce que ces moments de crise exacerbent des faits, descomportements – et leurs conséquences – qui sont présents en tout temps.Simplement, ces situations se manifestent de façon plus dramatique, plus accentuée,en temps de guerre, ce qui les rend plus visibles et plus lisibles. En d’autres termes,les conflits armés grossissent, par un effet de loupe, des événements et descomportements qui passeraient inaperçus en temps normal. Certes, des situationsexceptionnelles se présentent alors – on n’imagine pas une salle d’exposition et sescollections détruites par des bombes en temps de paix – mais les comportements dupersonnel des musées comme l’attitude de la société extérieure envers celui-ci setrouvent amplifiés, exacerbés mais pas fondamentalement modifiés. Je me proposedonc d’observer et d’analyser le musée pendant ces situations de crise pour mieuxcomprendre son fonctionnement en général.S’agissant de la guerre, l’idée la plus commune, celle qui vient la première à l’esprit,c’est que le musée en est une victime, qu’il subit les effets directs et indirects desopérations militaires (bombardements, destructions, vols, pillages, détournementsidéologiques). Cela correspond bien à l’idée de neutralité, de beauté, de pureté, qu’onlui associe volontiers, dans la perspective idéaliste qui a présidé à sa naissance. Lemusée est au-dessus de la mêlée, dirait-on. Mais à y regarder d’un peu plus près, onconstate qu’il est aussi un acteur dans le conflit. Ce n’est pas étonnant : le musée estdans l’histoire et il est un acteur privilégié de celle-ci parce qu’il est lui-même un lieu demémoire, pour reprendre l’expression de Pierre Nora, qu’il est un « lieu de l’histoire » i .Comme le souligne Martin Schärer, celle-ci n’est pas constituée de « ce qui s’estpassé » mais bien de la façon dont on raconte le passé, pour le dire très simplement,et le musée se trouve être un des narrateurs. Acteur donc, le musée agit pendant lesconflits, parfois à son corps défendant – il est alors un acteur <strong>for</strong>cé - mais souventaussi volontairement, parfois avec complaisance. Et il agit après la guerre, le plussouvent pour camoufler ou pour justifier ses actions passées, ou pour « aider » à lesfaire oublier. L’amnésie, ou parfois la volonté de ne pas voir, est un trait commun dessituations d’après-guerre, même lorsque l’action du musée pendant le conflit apparaîtcomme tout à fait honorable. Il semble qu’on veuille tourner la page, repartir de lasituation d’avant-guerre, comme si tout n’avait été qu’un (mauvais) rêve. A vrai dire,247

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