Le cabinet des fs, ou collection choisie des contes des fs, et autres ...

Contes A r à b e s. igi
ïution de tenir fa parole. Pour cet effet , il prit
les précautions les plus convenables pour en
éviter les occafions ; & afin de ne plus tom-
ber dans le même inconvénient , il promit avec
ferment de ne donner à manger de fa vie à
aucun homme de Bagdad. Enfaite il tira le
coffre -fort où étoit l'argent de fon revenu',
du lieu où il l'avoit mis en réferve , & il le
mit à la place de celui qu'il venoit de vuider.
Il réfolut de n'en tirer pour fa dépenfe de
chaque jour qu'une fomme réglée &: fuffifante
pour régaler honnêtement une feule perfonne
avec lui à fouper. Il fit encore ferment que
cette perfonne ne feroit pas de Bagdad , mais
un étranger qui y feroit arrivé le même jour,
& qu'il le renverroit le lendemain matin , après
lui avoir donné le couvert une nuit feulement.
Selon ce projet , Abou Haffan avoit foin
lui-même chaque matin de faire la- provifîon
nécefTaire pour ce régal , & vers la fin du
jour , il alloit s'affeoir au bout du pont de
Bagdad , & dès qu'il voyoit un étranger , de
quelque état ou condition qu'il fut, il l'abor-
doitj civilement , & l'invitoit de même à lui
faire l'honneur de venir fouper & loger chez
lui pour la première nuit de fon arrivée ; &
après l'avoir informé de la loi qu'il s'étoit
faite , & de la , condition
qu'il avoit mife i
M iij