Le cabinet des fs, ou collection choisie des contes des fs, et autres ...

240 Les mille et une Nuits,
Abou HafTan, je ne fuis pas fou; mais (î j'avoîâ
à le devenir, rien ne feroit plus capable de me
jeter dans une fi grande difgrace, que les coups
dont tu m'aflbmmes.
Cependant la mère d'Abou Haflan venoit
elle ne
voir fon fils règlement chaque jour : &
pouvoit retenir fes larmes , en voyant diminuer
de jour en jour fon embonpoint & fes forces,
& l'entendant fe plaindre & foupirer des dou-
leurs qu'il fouffroit. En effet , il avoit les épau-
les , le dos & les côtes noircis & meurtris ;
& il nefavoit de quel côté fe tourner pour
trouver du repos. La peau lui changea même
plus d'une fois, pendant le tems qu'il fut re-
tenu dans cette effroyable demeure. Sa mère
vouloit lui parler pour le confoler , & pour
tâcher de fonder s'il étoit toujours dans la
même fîtuation d'efprit fur fa prétendue dignité
de calife & de commandeur des croyans. Mais
toutes les fois qu'elle ouvroit la bouche pour
lui en toucher quelque chofe , il la rebutoit
avec tant de furie, qu'elle étoit contrainte de
le laiffer , & de s'en retourner inconfolable de
le voir dans une fi grande opiniâtreté.
Les idées fortes & fenfibles qu'Abou HafTan
avoit confervées dans fon efprit, de s'être vu
revêtu de l'habillement de calife, d'en avoir fait
«ffedivement les fondions, d'avoir ufé de fon
autorité ,