Le cabinet des fs, ou collection choisie des contes des fs, et autres ...

i8 Les mille et une Nuits,
tion qu'elle venoit d'entendre , elle en fentlt une
joie fecrète ; car fon cœur commençoit à fe
laifîer furprendre. Elle diflimula toutefois ; &
comme fi elle n'eût pas fait d'attention au dif-
cours de Ganem : Je me ferois bien gardée,
lui répondit-elle , de vous montrer mon voile
fi j'eufTe cru qu'il dût vous caufer tant de dé-
plaifir ; & je ne vois pas que les chofes que
j'ai à vous dire , doivent rendre votre fort aufli
déplorable que vous vous l'imaginez.
Vous faurez donc, pourfuivit-elle , pour vous
apprendre mon hiftoire , que je me nomma
(i) Tourmente; nom qui me fut donné au mo-
ment de ma naiffance , à caufe que l'on jugea
que ma vue cauferoit un jour bien des maux.
Il ne vous doit pas être inconnu , puifqu'il n'y
a perfonne dans Bagdad qui ne fâche que le
calife Haroun Alrafchid , mon fouverain maî-
tre &: le vôtre , a une favorite qui s'appele
ainfi.
On m'amena dans fon palais dès mes plus ten-
dres années , & j'ai été élevée avec tout le foin
que l'on a coutume d'avoir de perfonnes de mon
fexe defïinées à y demeurer. Je ne réullîs pas
mal dans tout ce qu'on prit la peine de m'en-
feigner; & cela joint à quelques traits de beauté,
(i) En arabe, Fetnab
,