Le cabinet des fs, ou collection choisie des contes des fs, et autres ...

^4.8 LESf MtLLE ET UNE NuiT^i
parapet où étoit Abou HafTan , îe plus prè^'
qu'il put. Quand il fut proche de lui , il pen--
cha la tête & il le regarda en face. C'eft donc
vous , moji frère Abou RafTan , lui dît-il , j&
vous falue ; permettez-moi , je vous prie , de
vous embraffer.
Et moi , re'pondit brufqaement Abou Haf-
fan, fans regarder le faux marchand de Mouf-
foul 5 je ne vous falue pas : je n'ai pas befoin ni
de votre falut , ni de vos embraffades ; paffez
votre chemin.
Hé quoi , reprit le calife , ne me reconnoif-
fe2-vous pas ? Ne vous fouvient-il pas de la
foirée que nous palTâmes enfemble il y a au-
jourd'hui un m.ois chez vous , où vous me fîtes
l'honneur de me régaler avec tant de générofité
? Non, repartit Abou Haflan fur le même
ton qu'auparavant , je ne vous connois pas , &
]e ne fais de quoi vous voulez me parler :
Allez encore une fois , & paffez votre chemin.
Le calife ne fe rebuta pas de la brufquerie
d'Abou Haffan. Il favoit bien qu'une des loix
qu'Abou AfTan s'étoit impofées à lui-même ,.
étoit de ne plus avoir de commerce avec l'é-
tranger qu'il auroit une fois régalé : Abou Haf-,
fan le lui avôit déclaré , mais il vouloit bien
faire femblant de l'ignorer. Je ne puis croire
ireprit-il , que vous ne me reconnoilïiez pas 5
,
.