Le cabinet des fs, ou collection choisie des contes des fs, et autres ...

23^ Les MIttI ET UNE NtTlTJ,
A ces paroles, Abou Hairan ne fe pofTeda
plus. Les circonftances de la libéralité du calife
que fa mère venoit de lui raconter , lui mar-
quoient qu'il ne fe trompoit pas , & lui per-
fuadoient plus que jamais qu'il étoit le calife,
puifque le vifir n'avoit porté la bourfe que par
fon ordre. Hé bien , vieille forcière , s'écria-
t-il , feras-tu convaincue quand je te dirai que
c'efi: moi qui t'ai envoyé ces milles pièces d'os
par mon grand-vifir Giafar qui n'a fait qu'exé-
cuter l'ordre que je lui avois donné en qualité de
commandeur des croyans? Cependant, au lieu
de me croire , tu ne cherches qu'à me faire
perdre l'efprit par tesxontradidions, & en me
fou tenant avec opiniâtreté que je fuis ton fils.
Mais je ne lailferai pas long - tems ta malice
impunie. En achevant ces paroles dans l'excès
de fa phrénéfie , il fut aiTez dénaturé pour la
maltraiter impitoyablement avec le bâton qu'il
tenoit à la main.
La pauvre mère qui n'avoit pas cru que fon
fils paflferoit fi promptement des menaces aux
adions, fe fentant frappée, fe mit à crier de toute
fa force au fecours ; & jufqu'à ce que les voi-
sins' fuflent accourus , Abou Haflan ne cefToit
de frapper, en lui demandant à chaque coup :
Suis-je commandeur des croyans ? A quoi la
mère répondoit toujours ces tendres paroles ;
Vous êtes mon fils.