Le cabinet des fs, ou collection choisie des contes des fs, et autres ...

§4
Les mille et une Nuits,
Le calife ne voulut pas que Zobéïde prît
cette peine , & fe contenta de s'y faire mener
par Mefrour. Il y alla dans l'état qù il étoit
c'eft-à-dire, en habit de campagne. Quand il
vit la repréfentation couverte d'un drap noir
les cierges allumés tout autour, & la magni-
ficence du maufolée , il s'étonna que Zobéïde
eût fait les obfeques de fa rivale avec tant de
pompe ; & comme il étoit naturellement foup-
çonneux, il fe défia de la générofité de fa femme,
& penfa que fa maîtrefTe pouvoit n'être pas
morte ; que Zobéïde , profitant de fa longue
abfence , l'avoit peut - être chafTée du palais ,
avec ordre à ceux qu'elle avoit chargés de fa
conduite, de la mener fi loin, que l'on n'en-
tendît jamais parler d'elle. Il n'eut pas d'autre
foupçon î car il ne croyoit pas Zobéïde aflez
méchante pour avoir attenté à la vie de fa
favorite.
Pour s'éclaircir par lui-même de la vérité,
ce prince commanda qu'on ôtât la repréfenta-
tion , & fit ouvrir la fofle & la bière en fa pré-
fence ; mais dès qu'il eut vu le linge qui enve-
loppoit la pièce de bois , il n'ofa palTer outre.
Ce religieux calife craignit d'offenfer la reli-
gion en permettant que l'on touchât au corps
de la défunte ; & cette fcrupuleufe crainte l'em-
porta fur l'amour & fur la curiofité^ Il ne douta
,