Le cabinet des fs, ou collection choisie des contes des fs, et autres ...

^54 Jf^ES MILLE ET UNE NuiTS,
penfée : Mon fils, lui dit-eîle. Je prie dieu qu'il*
ait pitié de vous , & qu'il vous faffe miféri-
corde. CefTez, mon fils, de tenir un difcours
fi dépourvu de bon fens. Adrefifez-vous à dieu;
4emandez-lui qu'il vous pardonne , & vous fafie
la grâce de parler comme un homme raifon-
nable. Que diroit-on de vous , fi l'on vous en-
tendoit parler ainfi ? ne favez-vous pas que les
murailles ont des oreilles ?
De fi belles remontrances , loin d'adoucir
l'efprit d'Abou Haflan , ne fervirent qu'à l'ai-
grir encore davantage. Il s'emporta contre fa
mère avec plus de violence. Vieille, lui dit- il,
je t'ai déjà avertie de te taire : fi tu continues
davantage, je me lèverai & je te traiterai de
manière que tu t'en reflèntiras tout le refte
de tes jours. Je fuis le calife, le commandeur
des croyans, & tu dois me croire quand je le
dis.
Alors la bonne dame qui vit qu'Abou HaiTan
s'égaroit de plus en plus de fon bon fens
plutôt que d'y rentrer, s'abandonna aux pleurs
& aux larmes ; & en fe frappant le vifage &
la poitrine, elle faifoit des exclamations qui
marquoient fon étonnement & fa profonde dou-
leur de voir fon fils dans une fi terrible alié-
nation d'efprit.
Abou Haffan, au lieu de s'appaifer & de fe