Le cabinet des fs, ou collection choisie des contes des fs, et autres ...

a^i Les mille ït une NUits^
fcheikhs de nos voifins. Le juge de police
les fit prendre ; & après leur avoir fait donner
en fa préfence à chacun je ne fais combien de
coups de nerf de boeuf, il fit publier par un
crieur que c'étoit-là le châtiment de ceux qui
fe méloient des affaires qui ne les regardoient
pas , & qui fe faifoient une occupation de jeter
le trouble dans les familles de leurs voifms,
Enfuite il les fit promener par tous les quar-
tiers de la ville avec le même cri , & leur fit
défenfe de remettre jamais le pie dans notre
quartier.
La mère d'Abou Haffan qui ne pouvoit s'ima-
giner que fon fils eût eu quelque part à l'aven-
ture qu'elle lui racontoit, avoit exprès changé
de difcours , & regardé le récit de cette affaire
comme un moyen capable d'effacer l'impreflion
fantaftique où elle le voyoit , d'être le com-
mandeur des croyans.
Mais il en arriva tout autrement; & ce récit,
loin d'effacer Hdée qu'il avoit toujours d'être
le commandeur des croyans , ne fervit qu'à la
lui rappeler & à la lui graver d'autant plus
profondément dans fon imagination, qu'en effet
elle n'étoit pas fantaflique , mais réelle.
Auffi dès qu'Abou Haffan eut entendu ce
récit : Je ne fuis plus ton fils ni Abou Haffan,
reprit-il, je fuis certainement le commandeur