Le cabinet des fs, ou collection choisie des contes des fs, et autres ...

380 Les mille et une Nurr^,
autres femmes fuflent plus belles : il pouvoir
bien avoir entendu dire qu'il y en avoit d'uns
beauté furprenante; mais quelques paroles qu^on
emploie pour relever le mérite d'une beauté ,
jamais elles ne font TimprelTion que la beauté
fait elîe-m.ême.
Lorfqu'Aladdin eut vu la princeflfe Badroul-
bûudour, il perdit la penfée qu'il avoit que
toutes les femmes dulTent refTembler à-peu-près
à fa mère : fes fentimens fe trouvèrent bien
différens , & fon cœur ne put refufer toutes
fes inclinations à l'objet qui venoit de le char-
mer. En effet, la princeiTe étoit la plus belle
brune que l'on pût voir au monde : elle avoit
les yeux grands , à fleur de tête , vifs & bril-
lans j le regard doux & modefte , le nez d'une
jufte proportion & fans défaut, la bouche pe-
tite , les lèvres vermeilks 2j toutes charmantes
par leur agréable fymmécrie ; en un mot, tous
les traits de fon vifage étoient d'une régularité
accomplie. On ne doit donc pas s'étonner fi
Aladdin fut ébloui & prefque hors de lui-même
à la vue de raifemblage de tant de merveilles
qui lui étoient inconnues : avec toutes ces
perfedions, la princeffe avoit encore une riche
taille , un port & un air majefcueux , qui, à
la voir feulement y lui attiroient le refped qui
lui étoit dû.