Le cabinet des fs, ou collection choisie des contes des fs, et autres ...

270 Les mille et une Nuits^
comme les autres. II déchira îe bel habit âé
calife dont on l'avoit revêtu. Il jeta par terre
îe bonnet qu'il avoit fur la tête ; & nud en
themife & en caleçon, il fe leva brufquement
ôc fe jeta entre deux dames qu'il prit par la
main ^ Si fe mit à danfer & à fauter avec tant
d'aélion, de mouvement & de contorfions bouf-
fonnes & divertiffantes , que le calife ne put
plus fe contenir dans l'endroit où il étoit. La
pîaifanterle fubite d'Abou Haffan le fit rire
avec tant d'éclat , qu'il fe laiifa aller à la ren-
verfe , & fe fît entendre pardefltis tout le bruit
des infirumens de mufique & des tambours de
bafque. Il fut fi long-tems fans pouvoir fe
retenir, que peu s'en fallut qu'il ne s'en trou-
vât incommodé. Enfin il fe releva , & il ouvrit
la jaîoufie. Alors en avançant la tête & en
riant toujours : Abou Haflan , Abou HalTan ,
s'écria-t-il , veux-tu donc me faire mourir à
force de rire?
A la voix du calife, tout le monde fe tut,
& le bruit ceffa. Abou Haffan s'arrêta comme
les autres , & tourna la tête du côté qu'elle
s'étoit fait entendre. Il reconnut le calife , &
en même-tems le marchand de Mouffoul. Il ne
fe déconcerta pas pour cela ; au contraire , il
comprit dans ce moment qu'il étoit bien éveil-
lé j & que tout ce qui lui étoit arrivé étoit
,