Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
188 DE NATURA RERUM, LIBER III<br />
Differre, an nullo fuerit jam tempore natus,<br />
Mortalem vitam mors cum immortalis ademit .<br />
Proinde ubi se videas hominem indignarier ipsum,<br />
Post mortem fore ut aut putescat corpore posto,<br />
885 Aut flammis interfiat malisve ferarum,<br />
Scire licet non sincerum sonere, atque subesse<br />
Cacum aliquem cordi stimulum, quamvis neget ipse<br />
Credere se quemquam sibi sensum in morte futurum .<br />
Non (ut opinor enim dat quod promittit et unde,<br />
890 Nec radicitus e vita se tollit et eicit,<br />
Sed facit esse sui quiddam super inscius ipse .<br />
Vivus enim sibi cum proponit quisque, futurum<br />
Corpus uti volucres lacerent in morte fereeque .<br />
Ipse sui miseret : neque enim se dividit illim,<br />
895 Nec reinovet satis a projecto corpore ; et illum<br />
Se fingit, sensuque suo contaminat astans<br />
Hinc indignatur se mortalem esse creatum,<br />
Nec videt in vera nullum fore morte alium se,<br />
Qui possit vivus sibi se lugere peremptum,<br />
900 Stansque jacentem, se lacerari urive dolere .<br />
Nam si in morte malumst malis morsuque ferarum<br />
Tractari, non invenio qui non sit acerbum<br />
Ignibus impositum calidis torrescere flammis,<br />
Aut in melle situm suffocari, atque rigere<br />
905 Frigore, cum summo gelidi cubat aquore saxi,<br />
Urgerive superne obtritum pondere terme .<br />
Jam jam non domus accipiet te la ta, neque uxor<br />
Optima, nec dulces occurrent oscula nati<br />
Przertpere, et tacita pectus dulcedine tangent ;<br />
910 Non poteris factis florentibus esse tuisque<br />
Proesidio . Misero misere aiunt, omnia ademit<br />
Una dies infesta tibi tot pra mia vitae .<br />
Illud in his rebus non addunt : Nec tibi earum<br />
Jam desiderium rerum super insidet una .<br />
915 Quod bene si videant animo dictisque sequantur,<br />
Dissolvant animi magno se angore metuque .<br />
DE <strong>LA</strong> <strong>NATURE</strong>, LIVRE III 189<br />
Aucun malheur ne peut atteindre celui qui n'est plus ; su<br />
il ne diffàre en rien de ce qu'il serait s'il n'çtait jamais nç,<br />
puisque sa vie mortelle lui a çtç ravie par une mort immortelle<br />
.<br />
Lors donc qu'un homme se lamente sur lui-mÉme<br />
Π la pensçe du sort mortel qui fera pourrir son corps abandonnç,<br />
ou le livrera aux flammes, ou le donnera en péture<br />
aux bÉtes sauvages, tu peux dire que sa voix sonne faux, 885<br />
qu'une crainte secràte tourmente son ceeur, bien qu'il<br />
affecte de ne pas croire qu'aucun sentiment puisse rçsister<br />
en lui Π la mort. Cet homme, Π mon avis, ne tient pas ses<br />
promesses et cache ses principes ; ce n'est pas de tout son<br />
Étre qu'il s'arrache Π la vie ; Π son insu peut-Étre il suppose 890<br />
que quelque chose de lui doit survivre . Tout vivant en<br />
effet qui se reprçsente son corps dçchirç apràs la mort par<br />
les oiseaux de proie et les bÉtes sauvages, se prend en<br />
pitiç ; car il ne parvient pas Π se distinguer de cet objet,<br />
le cadavre, et croyant que ce corps çtendu, c'est lui- 895<br />
mÉme, il lui prÉte encore, debout Π ses cêtçs, la sensibilitç<br />
de la vie . Alors il s'indigne d'avoir çtç crçç mortel, il ne voit<br />
pas que dans la mort vçritable il n'y aura plus d'autre luimÉme<br />
demeurç vivant pour pleurer sa fin et, restç debout,<br />
gçmir de voir sa dçpouille devenue la proie des bÉtes et 900<br />
des flammes. Car si c'est un malheur pour les morts d'Étre<br />
broyçs entre les dents des fauves, je ne trouve pas qu'il<br />
puisse Étre moins douloureux de rêtir dans les flammes<br />
d'un bôcher, d'Étre çtouffç dans du miel, de subir raidi la<br />
pierre glacçe du tombeau ou le poids çcrasant de la terre 905<br />
qui vous broie .<br />
« - Il n'y a plus dçsormais de maison heureuse pour<br />
t'accueillir, plus d'çpouse vertueuse, plus d'enfants chçris<br />
pour courir Π ta rencontre, se disputer tes baisers et pçnçtrer<br />
ton coeur d'une douceur profonde . Tu ne pourras plus 910<br />
travailler Π ta fortune, Π la sçcuritç de ta famille . Malheureux<br />
1 disent-ils, ê malheureux, tant de joies de la vie, un<br />
seul jour, un jour funeste te les a arrachçes . á Ils n'ajoutent<br />
point : « - Mais le regret de tous ces biens ne te suit pas<br />
dans la mort .,, Si l'on se pçnçtrait de cette vçritç, si l'on 915