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1 4 2 DE NATURA RERUM, LIBER III<br />
85 Turpis enim ferme contemptus, et acris egestas,<br />
Semota ab dulci vita stabilique videntur,<br />
Et quasi jam leti portas cunctarier ante<br />
Unde homines, dum se, falso terrore coacti,<br />
Effugisse vol uit longe, longeque remosse,<br />
70 Sanguine civili rem confiant, divitiasque 1,1<br />
Conduplicant avidi, cadem corde accumulantes,<br />
Crudeles gaudent in tristi funere fratris,<br />
Et consanguineum mensas odere timentque .<br />
Consimili ratione ab eodem sape timore<br />
75 Macerat invidia : ante oculos illum esse potentem,<br />
Illum aspectari, claro qui incedit honore ;<br />
Ipsi se in tenebris volvi ceenoque queruntur.<br />
Intereunt partim statuarum et nominis ergo<br />
Et sape usque adeo, mortis formidine, vitae<br />
80 Percipit humanos odium lucisque videndae,<br />
Ut sibi consciscant mcerenti pectore letum,<br />
Obliti fontem curarum hune esse timorem,<br />
Hunc vexare pudorem, hune vincula amicitiai<br />
Rumpere, et in summa pietatem evertere suasu.<br />
85 Nam jam sape homines patriam carosque parentes<br />
Prodiderunt, vitare Acherusia templa petentes .<br />
Nam, veluti pueri trepidant atque omnia cxcis<br />
In tenebris metuunt, sic nos in luce timemus<br />
Interdum nilo qua sunt metuenda magis quam<br />
90 Qua pueri in tenebris pavitant flnguntque futura .<br />
Hune igitur terrorem animi tenebrasque necesse est<br />
Non radii solis, neque lucida tela diei<br />
Discutiant, sed natura species ratioque.<br />
Primum animum dico (mentem quam sape vocamus ,<br />
95 In quo consilium vitx regimenque locatum est,<br />
Esse hominis partem nilo minus, ac manus, et pes,<br />
Atque oculi partes animantis totius exstant<br />
Quamvis multa quidem sapientum turba putarunt,<br />
Sensum animi certa non esse in parte locatum,<br />
DE <strong>LA</strong> <strong>NATURE</strong>, LIVRE III 143<br />
semble en effet aux hommes incompatible avec des fours<br />
doux et posçs : ces maux paraissent les mettre dÉs cette<br />
terre aux portes méme de la mort ; c'est pourquoi les<br />
hommes en proie Π ces vaines alarmes voudraient fuir au<br />
loin et, pour y çchapper, grossissent leurs biens au prix du 70<br />
sang de leurs concitoyens ; ces avides doublent leurs<br />
richesses, multiplient leurs meurtres ; ces cruels suivent<br />
avec joie les funçrailles d'un frÉre, la table de leurs proches<br />
leur inspire haine et effroi .<br />
C'est la méme crainte de la mort qui met au coeur des<br />
hommes l'envie qui le ronge : ils voient celui-ci qui est 75<br />
puissant, celui-lΠ qui attire tous les regards et qui marche<br />
dans l'çclat des honneurs, tandis qu'eux-mémes se traènent<br />
dans l'obscuritç et la fange : autant de sujets de<br />
plainte . Il y en a qui pçrissent pour avoir leur statue, pour<br />
illustrer leur nom. Souvent méme la peur de la mort inspire 80<br />
aux humains un tel dçgoôt de la vie et de la lumiÉre qu'ils<br />
vont dans leur dçsespoir jusqu'Π s'assurer de leurs mains<br />
le trçpas, sans se souvenir que la source de leur souffrance<br />
çtait cette peur elle-méme, elle qui persçcute la vertu, qui<br />
rompt les liens de l'amitiç et qui en somme par ses conseils<br />
dçtruit la piçtç. N'a-t-on pas dçjΠ vu souvent des hommes 85<br />
trahir leur patrie et leurs chers parents, dans le but<br />
d'çchapper aux sombres demeures de l'Achçron?<br />
Car pareils aux enfants qui tremblent et s'effraient<br />
de tout dans les tçnÉbres aveugles, c'est en pleine lumiÉre<br />
que nous-mémes, parfois, nous craignons des pçrils aussi<br />
peu redoutables que ceux dont s'çpouvantent les enfants<br />
dans les tçnÉbres et qu'ils imaginent tout prÉs d'eux .<br />
Ces terreurs, ces tçnÉbres de l'esprit, il faut donc pour 90<br />
les dissiper, non les rayons du soleil ni les traits lumineux<br />
du jour, mais l'çtude rationnelle de la nature .<br />
Ce que je dirai tout d'abord, c'est que l'esprit ou, comme<br />
nous l'appelons souvent, la pensçe, conseil et gouvernement<br />
de notre vie, est une partie de l'homme non moins 95<br />
rçellement que la main, le pied et les yeux sont des parties<br />
de tout l'étre vivant . En vain une foule de philosophes<br />
assurent que le sentiment et la pensçe n'ont pas dans