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LA NATURE DES CHOSES

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280 DE <strong>LA</strong> <strong>NATURE</strong>, LIVRE V<br />

hçtçrogénes se dçgagérent les unes des autres ; les molçcules homogénes<br />

se rapprochérent, se rçunirent, s'çlevérent ou s'abaissérent<br />

selon leurs diffçrentes pesanteurs . La terre se plaôa au centre de<br />

notre systéme, l'air au-dessus de la terre, et la matiére çthçrçe,<br />

avec ses feux, dçploya sa vaste enceinte autour du monde : la<br />

formation de la mer, des montagnes et des fleuves, suivit de prés<br />

ce premier dçveloppement . Les astres commencérent É se mouvoir,<br />

et Lucréce donne plusieurs causes É leurs mouvements, selon<br />

la mçthode d'àpicure, son maátre, qui n'adopte et ne rejette<br />

aucun systéme : mais il se prononce plus hardiment sur la cause qui<br />

tient la terre suspendue au milieu des airs, et sur la grandeur rçelle<br />

du soleil, de la lune et des çtoiles, qu'il prçtend ûtre la mûme que<br />

leur grandeur apparente, quoique cette petitesse n'empûche point,<br />

selon lui, le soleil d'çclairer et d'çchauffer le monde . Il reprend<br />

ensuite sa marche sceptique, et expose historiquement toutes les<br />

opinions des anciens philosophes sur les rçvolutions annuelle et<br />

journaliére du soleil, sur l'accroissement et le dçcroissement<br />

successif et pçriodique des jours et des nuits, sur les diffçrentes<br />

phases de la lune, et sur les çclipses de soleil et de lune .<br />

Revenant É la terre, il suit ses diverses productions dés le premier<br />

instant de son origine : elle fit croátre d'abord les plantes,<br />

les fleurs et les arbres ; ensuite elle enfanta les animaux et les<br />

hommes eux-mûmes . Il y eut dans ces premiers temps des animaux<br />

monstrueux qui pçrirent, il y eut des races entiéres qui<br />

s'çteignirent aussi, parce qu'elles n'avaient pas les qualitçs nçces-<br />

saires pour vivre indçpendantes ni pour mçriter notre protection .<br />

Mais jamais la terre n'a produit de Centaures, ni d'animaux<br />

pareils, composçs de deux natures incompatibles : aprés avoir<br />

enfantç les premiéres gçnçrations de chaque espéce, et avoir<br />

pourvu les animaux d'organes propres É la propagation, la terre,<br />

çpuisçe, se reposa, et abandonna aux individus le soin de se<br />

reproduire eux-mûmes, et de suivre la premiére impulsion donnçe .<br />

Cependant les hommes, enfants de la terre, habitants des forûts,<br />

se nourrissaient de glands et d'autres fruits sauvages, se dçsal-<br />

tçraient au bord des fontaines et des fleuves, faisaient la guerre<br />

aux bûtes fçroces, et, quoique souvent ils leur servissent de pêture,<br />

ils ne mouraient pas en plus grand nombre qu'aujourd'hui . Les<br />

mariages s'introduisirent bientèt : il se forma de petites sociçtçs<br />

particuliéres, dont l'union fut encore resserrçe par la naissance<br />

du langage, que Lucréce prçtend ûtre dâ É la nature et au besoin,<br />

et non pas au caprice d'un lçgislateur qui de son propre mouve-<br />

ment aurait distribuç des noms aux objets . Mais la dçcouverte du<br />

DE <strong>LA</strong> <strong>NATURE</strong>, LIVRE V 281<br />

feu, qui fut ou apportç sur la terre par la foudre, ou allumç dans<br />

les forûts par le frottement des arbres que les vents agitaient,<br />

acheva de dissiper la barbarie . Les besoins naturels satisfaits, les<br />

besoins factices s'introduisirent : il y eut des ambitieux qui se<br />

firent rois, et partagérent les champs . Mais les hommes, qui se<br />

rappelaient ûtre tous fréres, tous enfants de la mûme mére, tuérent<br />

leurs tyrans, et vçcurent longtemps dans l'anarchie, dont ils<br />

sentirent enfin les dçsavantages : on crça donc alors des magis-<br />

trats, on fit des lois auxquelles on convint de se soumettre .<br />

Bientèt la religion vint prûter un nouvel appui É l'autoritç : l'idçe<br />

des dieux est due, selon Lucréce, É des simulacres illusoires qui se<br />

prçsentaient la nuit, et que la peur rçalisa . Le bruit du tonnerre,<br />

les effets de la foudre, les tremblements de terre, les inondations,<br />

glacérent d'effroi tous les coeurs, on çleva des autels, on se pros-<br />

terna contre terre ;- on institua ces cçrçmonies religieuses qui<br />

subsistent encore aujourd'hui, et qui subsisteront toujours .<br />

Cependant les arts s'enrichissaient tous les jours par de nouvelles<br />

dçcouvertes . De grands incendies, excitçs dans les forûts, occa-<br />

sionnérent la fonte des mçtaux, que l'homme trouva dans le sein<br />

de la terre, et dont il se fit des instruments et des armes : les<br />

guerres devinrent alors plus sanglantes, et, pour surcroát d'horreur,<br />

on fit combattre dans les armçes les animaux les plus fçroces .<br />

L'homme se perfectionnait dans les arts utiles comme dans les<br />

arts destructeurs . Les çtoffes succçdérent É la dçpouille des bûtes ;<br />

l'agriculture devint une science, enfin la musique, l'astronomie,<br />

la navigation, l'architecture, la jurisprudence, la poçsie, la pein-<br />

ture, la sculpture, furent les fruits d'un travail opiniêtre suggçrç<br />

par le besoin et dirigç par l'expçrience .

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