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LIVRE QUATRIîME<br />
ARGUMENT<br />
Ce quatriàme livre n'est qu'une continuation du troisiàme . Le<br />
poàte téche d'expliquer la maniàre dont les objets extçrieurs<br />
agissent sur l'éme par le canal des sens . Nos sensations sont produites,<br />
suivant lui, par des corpuscules invisibles, rçpandus dans<br />
l'atmosphàre, qui, en s'introduisant dans les divers conduits de<br />
nos corps, affectent diversement nos émes : ces simulacres se<br />
divisent en diffçrentes classes . Les uns sont envoyçs par les corps<br />
mÉmes, et sont des çmanations ou de la surface, ou de l'intçrieur<br />
des objets ; les autres se forment dans l'air ; d'autres ne sont qu'un<br />
mçlange des uns et des autres, que le hasard rçunit souvent dans<br />
l'atmosphàre . Tous ces simulacres sont d'une finesse et d'une<br />
subtilitç inconcevables, et douçs par consçquent d'une tràs<br />
grande vitesse . D'apràs cette notion prçliminaire des simulacres,<br />
le poàte croit pouvoir expliquer d'une maniàre satisfaisante tout<br />
le mçcanisme des sensations et des idçes .<br />
1ï La vision est produite par des simulacres çmançs de la<br />
surface mÉme des corps, qui nous font juger non seulement de<br />
la couleur, de la grandeur et de la figure des objets, mais encore<br />
de leur distance, de leur mouvement, etc . Il est vrai que souvent<br />
les jugements que nous profçrons Π la suite de ces perceptions<br />
sont faux ; mais l'erreur ne vient jamais de l'organe, qui ne rap-<br />
porte que la sensation prçcise qu'il çprouve, mais de la prçci-<br />
pitation de l'esprit, qui se héte toujours d'ajouter de son propre<br />
fonds quelque chose Π leur rapport : d'oû il conclut que les sens<br />
sont des guides infaillibles, les seuls juges de la vçritç ;<br />
2 0 La sensation du son est excitçe par des corpuscules dçtachçs<br />
des corps, qui viennent frapper l'organe de l'ouαe, quand ces<br />
çlçments sont faùonnçs par la langue et le palais, ils forment des<br />
DE <strong>LA</strong> <strong>NATURE</strong>, LIVRE IV 203<br />
paroles ; quand ils sont rçpercutçs par des corps solides, tels que<br />
les rochers, etc ., ils forment des çchos ;<br />
3 0 La saveur est produite par les sucs que la trituration exprime<br />
des aliments, et qui s'introduisent dans les pores du palais : si les<br />
mÉmes aliments ne produisent pas les mÉmes sensations sur des<br />
animaux de diffçrente espàce, ou sur les mÉmes animaux placçs<br />
dans des circonstances diffçrentes, cette variçtç tient Π la fois et<br />
Π l'organisation mÉme des animaux, et Π la structure des molçcules,<br />
de l'action desquelles rçsultent les saveurs ;<br />
40 Les odeurs, qui sont des corpuscules çmançs de l'intçrieur<br />
des corps, et dont par consçquent la marche doit Étre lente et<br />
tardive, ne sont pas non plus çgalement analogues Π tous les<br />
organes : il faut dire la mÉme chose des simulacres de la vue et<br />
des çlçments du son .<br />
Il n'y a que ces quatre espàces de sensations qui soient excitçes<br />
par des çmanations ; car, pour le toucher, il<br />
pression immçdiate des objets .<br />
est produit par l'im-<br />
Quant aux idçes, Lucràce les attribue aux simulacres dont<br />
l'atmosphàre est sans cesse remplie ; simulacres dont le tissu est<br />
si dçliç, qu'ils s'insinuent dans tous les pores de nos corps, et<br />
dont la succession et la combinaison sont si rapides, qu'il croit<br />
pouvoir expliquer par leur moyen cette foule d'idçes qui assiàgent<br />
nos esprits Π chaque instant, ces images chimçriques de Centaures,<br />
de Scylles, etc ., et les autres illusions de ce genre qui nous trompent<br />
la nuit comme le jour .<br />
Apràs cette thçorie des sensations et des idçes, le poàte entre<br />
dans quelques dçtails qui s'y rattachent : 1ï il combat les<br />
causes finales, en s'efforùant de prouver que nos organes n'ont<br />
pas çtç faits en vue de nos besoins, mais que les hommes en ont<br />
usç parce qu'ils les ont trouvçs faits ; 21 il explique pourquoi le<br />
besoin de boire et de manger est naturel Π tous les animaux ;<br />
3 0 comment l'éme, cette substance si dçliçe, peut mouvoir une<br />
masse aussi pesante que nos corps ; 40 par quel mçcanisme le<br />
sommeil vient Π bout d'engourdir toutes les facultçs de l'éme et<br />
du corps, et d'oû viennent les songes dont il est souvent accompagnç<br />
. A l'occasion des songes, il traite de l'amour contre lequel<br />
il avertit les hommes de se mettre en garde, par les peintures<br />
qu'il fait du malheur des amants ; enfin il termine ce morceau<br />
et le livre entier par une espàce de traitç anatomique et physique<br />
sur la gçnçration .