LA NATURE DES CHOSES

2 1 0 DE NATURA RERUM, LIBER IV
Ex ea imaginibus missis consistere rerum
100 Nam cur illa cadant magis ab rebusque recedant
Corpora, res multae quae mittunt corpore aperto,
Quam quae tenuia sunt, hiscendist nulla potestas .
Sunt igitur tenues formae rerum similesque
Effigiae, singillatim quas cernere nemo
105 Cum possit, tamen assiduo crebroque repulsu
Rejectoe, reddunt speculorum ex aequore visum ;
Nec ratione alia servari posse videntur
Tanto opere, ut similes reddantur cuique figure .
Nunc age, quam tenui natura constet imago
110 Percipe, et imprimis quoniam primordia tantum
Sunt infra nostros sensus, tantoque minora
Quam quae primum oculi ceeptant non posse tuer! .
Nunc tamen id quoque uti confirmem, exordia rerum
Cunctarum quam sint subtilia, percipe paucis .
115 Primum animalia sunt jam partim tantula, quorum
Tertia pars nulla possit ratione videri .
Horum intestinum quodvis quale esse putandumst?
Quid cordis globus, aut oculi? quid membra? quid artus '
Quantula sunt? Quid? Praeterea primordia quÈque,
120 Unde anima atque animi constet natura necessumst .
Nonne vides quam sint subtilia quamque minuta?
Pra terea, quxcumque suo de corpore odorem
Exspirant acrem, panaces, absinthia tetra,
Abrotonique graves, et tristia centaurea,
125 Quorum unum quodvis leviter si forte ciebis,
Quin potins noscas rerum simulacra vagari
Multa, modis multis, nulla vi, cassaque sensu .
Quorum quantula pars sit imago, dicere nemo est
Qui possit, neque eam rationem reddere dictis .
130 Sed ne forte putes ea demum sola vagari,
Quaecumque ab rebus rerum simulacra recedunt ;
DE LA NATURE, LIVRE IV 211
formçs que par des images çmançes d'eux . Pourquoi 100
admettre de telles çmanations qui se produisent manifestement
pour un grand nombre de corps, si l'on mçconnaèt
d'autres çmanations plus subtiles? On ne saurait
rçpondre.
Il existe donc pour tous les corps des reproductions
exactes et subtiles dont les çlçments isolçs çchappent Π la
vue, mais dont l'ensemble continôment renvoyç par 105
l'action du miroir, est capable de la frapper . Autrement
nous ne verrions pas si bien conservçe, pour nous Étre
rendue Π la perfection, la figure des objets .
Apprends maintenant quelle est la subtilitç de ces
images . Elle rçsulte d'çlçments premiers infiniment plus 110
imperceptibles et menus que les objets dont nos yeux
n'arrivent plus mÉme Π soupùonner l'existence . Mais pour
t'en donner une nouvelle preuve, je veux te dire en peu
de mots combien sont tçnus les principes de toutes choses .
Songe d'abord Π certains animaux si petits que, coupçs 115
en trois, leurs fractions deviendraient invisibles . Chez de
tels Étres, que penses-tu que soit l'intestin ou ce qui en
tient lieu? Et l'organe du ceeur, et les yeux et les membres
et les jointures? quelle petitesse 1 Alors, les çlçments dont
il faut bien que se composent leur esprit et leur éme, ne 120
vois-tu pas combien le tissu doit en Étre subtil et menu?
Passons aux plantes, Π celles qui exhalent d'écres senteurs,
la panacçe, la noire absinthe, l'aurone fçtide,
l'amàre centaurçe ; prends-en une et presse-la ; tu recon- 125
naètras aussitêt l'existence de simulacres voletant en grand
nombre et de mille maniàres, sans aucune çnergie, imperceptibles
Π nos sens . Mais combien ces images sont petites,
comparçes aux corps dont elles çmanent, c'est ce qu'il est
impossible de dire, ce dont il est impossible de rendre
compte.
Mais ne va pas croire qu'il n'y ait dans l'atmosphàre 130
que des simulacres çmançs des corps ; il en est d'autres qui