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[L'Assassin Royal 3]La nef du crépuscule

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J’entendis à nouveau la porte s’ouvrir et se refermer<br />

doucement ; puis, guettant en vain les bruits <strong>du</strong> fou en train de<br />

préparer l’infusion, je fis l’effort d’ouvrir les yeux. Justin et<br />

Sereine se tenaient devant mon huis, ten<strong>du</strong>s, figés comme s’ils<br />

se trouvaient dans le repaire de quelque bête féroce. Comme je<br />

tournais légèrement la tête pour mieux les voir, Sereine<br />

retroussa les lèvres en un rictus mauvais, et, en moi, Œil-de-<br />

Nuit en fit autant. Mon cœur se mit tout à coup à battre la<br />

chamade. Danger ! J’essayai de détendre mes muscles, de<br />

m’apprêter à réagir, mais la douleur qui me martelait le crâne<br />

ne me permettait que de rester immobile. « Je ne vous ai pas<br />

enten<strong>du</strong>s frapper », dis-je avec difficulté. Chaque mot était<br />

comme une lame chauffée au rouge qui résonnait dans ma tête.<br />

« Je n’ai pas frappé », répondit Sereine sèchement. Sa<br />

façon de détacher les mots me fit l’effet d’un coup d’assommoir ;<br />

je formai le vœu qu’elle ne se rendît pas compte <strong>du</strong> pouvoir<br />

qu’elle avait sur moi en cet instant, et aussi que le fou revînt<br />

vite. Je tentai de prendre l’air désinvolte, comme si je restais au<br />

lit parce que je n’attachais nulle importance à sa présence chez<br />

moi.<br />

« Tu as besoin de quelque chose ? » J’avais parlé d’un ton<br />

apparemment brusque mais, en réalité, chaque parole me<br />

demandait trop d’efforts pour que je gaspille ma salive.<br />

« De ta part ? Jamais ! » répondit Sereine avec dérision.<br />

Je sentis un contact d’Art maladroit. C’était Justin qui me<br />

touchait à tâtons ; je ne pus réprimer un frisson : l’usage que<br />

mon roi avait fait de moi m’avait laissé l’esprit aussi<br />

sensible qu’une plaie à vif et l’Art inhabile de Justin m’écorchait<br />

le cerveau comme les griffes d’un chat.<br />

Protège-toi. Le message de Vérité était à peine un<br />

murmure. Je fis un effort pour dresser ma garde, mais n’y<br />

parvins pas. Sereine souriait.<br />

Justin se frayait un chemin dans mon esprit avec la<br />

délicatesse <strong>du</strong> boulanger qui pétrit la pâte. Mes sens<br />

s’embrouillèrent soudain : il puait dans ma tête, il était d’un<br />

horrible jaune verdâtre de décomposition et il sonnait comme<br />

un cliquetis d’éperons. Protège-toi ! me suppliait Vérité ; sa voix<br />

était désespérée, sans force, et je savais qu’il faisait tout ce qui<br />

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