14.07.2013 Views

[L'Assassin Royal 3]La nef du crépuscule

[L'Assassin Royal 3]La nef du crépuscule

[L'Assassin Royal 3]La nef du crépuscule

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

d’eux me saisit le bras et tira. Je poussai un cri inarticulé sans<br />

pouvoir m’en empêcher, et cette réaction me fit trembler : si<br />

j’étais incapable de me retenir de crier, comment allais-je<br />

maintenir mes défenses contre Guillot ?<br />

Ils me firent sortir de ma cellule et me poussèrent devant<br />

eux dans le couloir. Je ne puis dire que je marchais : j’étais<br />

courbatu de la tête aux pieds et les coups avaient rouvert les<br />

blessures de mon avant-bras et de ma cuisse, dont la douleur<br />

était elle aussi revenue. <strong>La</strong> souffrance me faisait comme une<br />

seconde atmosphère : je m’y déplaçais, je l’inspirais et l’expirais.<br />

Au centre de la salle des gardes, on me bouscula par-derrière et<br />

je m’écroulai ; je demeurai couché sur le flanc. Je ne voyais pas<br />

l’intérêt d’essayer de me redresser : je n’avais plus de dignité à<br />

sauvegarder. Mieux valait qu’on me crût incapable de tenir<br />

debout ; profitant de l’occasion, je m’efforçai de rassembler le<br />

peu de forces qui me restait : lentement, laborieusement,<br />

j’éclaircis mon esprit, puis j’entrepris de dresser mes défenses<br />

en vérifiant et revérifiant encore, dans ma brume de souffrance,<br />

les murailles d’Art que j’avais érigées pour les consolider, pour<br />

me retrancher derrière elles. C’étaient elles que je devais<br />

défendre et non la chair de mon corps. Des hommes étaient<br />

alignés le long des murs de la pièce ; j’entendais le frottement de<br />

leurs bottes contre le pavage et leurs murmures, mais je n’y<br />

faisais guère attention. Le monde se ré<strong>du</strong>isait à ma douleur et<br />

mes murailles.<br />

Un grincement, un courant d’air : une porte venait de<br />

s’ouvrir. <strong>Royal</strong> entra, Guillot derrière lui irradiant la force d’Art.<br />

Je sentais sa présence comme je n’avais jamais perçu celle de<br />

quiconque ; sans même me servir de mes yeux, je le voyais, je<br />

voyais sa silhouette, la chaleur de l’Art qui brûlait en lui. Il était<br />

dangereux. <strong>Royal</strong> le croyait un simple outil ; j’osai éprouver une<br />

infime satisfaction à l’idée qu’il ignorait les périls d’un outil<br />

comme Guillot.<br />

<strong>Royal</strong> s’assit dans son fauteuil et on porta une petite table<br />

près de lui ; j’entendis qu’on ouvrait une bouteille, puis je sentis<br />

l’odeur <strong>du</strong> vin que l’on versait. <strong>La</strong> douleur avait donné à mes<br />

sens une insoutenable acuité. J’écoutais <strong>Royal</strong> se désaltérer en<br />

refusant de faire droit à ma propre soif.<br />

- 396 -

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!