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[L'Assassin Royal 3]La nef du crépuscule

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Le nouveau bateau sentait encore la sciure et la corde<br />

goudronnée ; ses ponts étaient à peine éraflés et les avirons<br />

étaient propres sur toute leur longueur. Bientôt, le Rurisk<br />

prendrait un caractère bien à lui : un coup de burin pour rendre<br />

une rame plus facile à tenir, une épissure à un bout, toutes les<br />

petites entailles et rainures qui marquent un navire vivant. Mais<br />

pour l’heure, le Rurisk était aussi inexpérimenté que nous.<br />

Quand nous le sortîmes pour la première fois, la scène<br />

m’évoqua un cavalier novice sur un cheval tout juste débourré :<br />

il tanguait, reculait, faisait la révérence au milieu des vagues ;<br />

puis, à mesure que nous trouvions tous le rythme, il s’enhardit<br />

et se mit à fendre les eaux comme une lame bien graissée.<br />

Vérité voulait que je m’imprègne de ces nouvelles<br />

techniques. On me donna une couchette dans l’entrepôt parmi<br />

mes compagnons d’équipage. J’appris à ne pas me faire<br />

remarquer et à obéir promptement aux ordres ; le capitaine<br />

était originaire des Six-Duchés mais le second était outrîlien, et<br />

c’est lui qui nous enseigna vraiment le maniement <strong>du</strong> Rurisk et<br />

ce dont il était capable. Il y avait deux autres immigrants<br />

outrîliens à bord et, quand nous n’étions pas occupés à étudier<br />

le bateau, à l’entretenir ou à dormir, ils se réunissaient et<br />

parlaient entre eux. Je m’étonnais qu’ils ne se rendent pas<br />

compte <strong>du</strong> mécontentement que leur attitude suscitait chez ceux<br />

des Six-Duchés. Ma couchette était proche des leurs et, souvent,<br />

alors que je cherchais le sommeil, je sentais Vérité qui me<br />

pressait de tendre l’oreille pour surprendre les mots chuchotes<br />

dans une langue que je ne comprenais pas ; j’obtempérais,<br />

sachant qu’il tirait davantage que moi de ce charabia. Au bout<br />

de quelque temps, je finis par m’apercevoir que leur langage<br />

n’était pas très éloigné de celui des Six-Duchés et que je<br />

parvenais à saisir une partie de leurs conversations ; je n’y<br />

surpris aucun propos séditieux, seulement des souvenirs douxamers<br />

de parents forgisés par leurs propres compatriotes. Ils<br />

n’étaient pas si différents des hommes et des femmes des Six-<br />

Duchés qui composaient l’équipage : presque tous à bord<br />

avaient per<strong>du</strong> un proche par la forgisation. Avec un sentiment<br />

de culpabilité, je me demandai combien de ces âmes meurtries<br />

j’avais envoyé dans les limbes de la mort.<br />

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