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[L'Assassin Royal 3]La nef du crépuscule

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y avait deux semaines que je n’avais plus été le voir, et je n’avais<br />

aucune envie de lui faire face à nouveau. S’il me convoquait<br />

pour me donner l’ordre de commencer à courtiser Célérité,<br />

j’ignorais quelle serait ma réaction, mais je craignais de perdre<br />

mon sang-froid. Résolument, je déroulai un des manuscrits sur<br />

les Anciens et m’efforçai de le lire, mais en vain : je ne voyais<br />

que Molly.<br />

Lors des brèves nuits que nous avions passées ensemble<br />

après notre journée au bord de la mer, Molly avait refusé de<br />

parler davantage de Célérité avec moi. En un sens, c’était un<br />

soulagement ; mais elle avait également cessé de me taquiner à<br />

propos de ses futures exigences et de tous les enfants qu’elle<br />

comptait avoir quand je serais son mari pour de bon. Sans rien<br />

dire, elle avait abandonné tout espoir que nous soyons un jour<br />

mariés ; pour ma part, si j’avais le malheur d’y songer, j’étais<br />

pris d’un chagrin tel que j’en vacillais au bord de la folie. Elle ne<br />

me faisait aucun reproche, car elle savait que je n’y étais pour<br />

rien ; elle ne demandait même pas ce qu’il allait advenir de nous<br />

deux ; comme Œil-de-Nuit, elle ne semblait plus vivre que dans<br />

l’instant ; elle acceptait comme un cadeau achevé, sans suite,<br />

nos nuits d’intimité et ne cherchait pas à savoir s’il y en aurait<br />

d’autres. Je percevais chez elle, non <strong>du</strong> désespoir, mais une<br />

terrible maîtrise de soi, une farouche détermination de ne pas<br />

lâcher ce que nous avions aujourd’hui pour ce que nous ne<br />

pourrions avoir demain. Je ne méritais pas la dévotion d’un<br />

cœur aussi fidèle.<br />

Quand je somnolais auprès d’elle dans son lit, l’esprit<br />

tranquille, bien au chaud, baigné <strong>du</strong> parfum de son corps et de<br />

ses herbes, c’est sa force qui nous protégeait. Elle ne possédait<br />

pas l’Art ni le Vif, mais sa magie était d’une sorte plus puissante<br />

encore, et c’est sa volonté seule qui la faisait opérer. Lorsqu’elle<br />

me faisait entrer chez elle et verrouillait la porte derrière moi,<br />

elle créait dans sa chambre un monde et un temps qui<br />

n’appartenaient qu’à nous. Si, par aveuglement, elle avait remis<br />

sa vie et son bonheur entre mes mains, c’aurait déjà été<br />

intolérable ; or c’était bien pire : elle était persuadée qu’un jour<br />

ou l’autre elle devrait payer d’un prix effrayant sa dévotion pour<br />

moi, et pourtant elle refusait de renoncer à moi. Et je n’avais pas<br />

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