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[L'Assassin Royal 3]La nef du crépuscule

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estait ; mais un pot réparé n’est jamais aussi solide qu’un pot<br />

intact et je regagnai le bateau en me sentant aussi seul que si je<br />

n’avais pas passé le moindre instant en sa compagnie.<br />

Durant les périodes où je maniais l’aviron en maintenant<br />

une cadence parfaite et en m’efforçant de ne penser à rien, je me<br />

prenais souvent à regretter Patience et Brodette, Umbre,<br />

Kettricken et même Burrich. Lors des rares occasions où je<br />

parvins à rendre visite à la reine-servante cet été-là, je la trouvai<br />

invariablement dans son jardin <strong>du</strong> sommet de la tour. C’était un<br />

lieu magnifique mais, malgré ses efforts, on était loin de ce<br />

qu’avaient pu être les autres jardins de Castelcerf. Elle était trop<br />

montagnarde pour se convertir totalement à notre caractère ;<br />

elle disposait et formait les plantes avec une totale absence<br />

d’affectation ; des pierres toutes simples avaient été ajoutées et<br />

des branches nues tor<strong>du</strong>es et poncées par la mer étaient posées<br />

contre elles, dressées dans leur aride beauté. J’aurais pu<br />

méditer calmement dans ce jardin, mais on n’avait pas envie d’y<br />

paresser au vent tiède de l’été, alors que c’était sans doute ainsi<br />

que Vérité se le rappelait. Elle y occupait ses journées et elle y<br />

prenait plaisir, mais cela ne créait pas de lien entre elle et Vérité<br />

comme elle l’avait espéré. Elle était aussi belle que jamais, mais<br />

toujours ses yeux bleus étaient ennuagés <strong>du</strong> gris de la<br />

préoccupation et <strong>du</strong> souci. Son front était si souvent plissé que,<br />

lorsqu’il lui arrivait de se détendre, on y distinguait les lignes<br />

pâles de la peau que le soleil ne touchait pas. Quand je lui<br />

rendais visite, elle congédiait la plupart de ses dames de<br />

compagnie, puis me soumettait sur les activités <strong>du</strong> Rurisk à un<br />

interrogatoire aussi serré que si elle était Vérité en personne.<br />

Mon rapport achevé, sa bouche prenait souvent un pli ferme et<br />

elle s’approchait <strong>du</strong> bord de la tour pour contempler la mer<br />

jusqu’à l’horizon. Un après-midi de la fin de l’été, alors que son<br />

regard était ainsi per<strong>du</strong> au loin, je la priai de m’excuser car je<br />

devais rejoindre mon bateau, mais elle parut à peine<br />

m’entendre ; à mi-voix, elle dit : « Il doit exister une solution<br />

définitive. Rien ni personne ne peut vivre ainsi. Il doit y avoir un<br />

moyen d’y mettre un terme.<br />

ŕ Les tempêtes d’automne ne tarderont pas, ma reine.<br />

Déjà le gel a touché certaines de vos plantes grimpantes. Les<br />

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