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Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

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Maintenant, du trottoir d'en face, les passants s'étonnaient, à le regarder agiter lesbras et sculpter ses manches. Et il était galopé de fièvre, il craignait de salir, ils'engouffrait davantage, dans ce <strong>com</strong>merce luxueux, auquel il ne <strong>com</strong>prenait rien.Cependant, <strong>com</strong>me chez Robineau, la campagne contre le <strong>Bonheur</strong> <strong>des</strong> <strong>Dames</strong> étaitouverte chez Bourras. Il venait de lancer son invention, le parapluie à godet, qui plustard devait se populariser. Du reste, le <strong>Bonheur</strong> perfectionna immédiatementl'invention. Alors, la lutte s'engagea sur les prix. Il eut un article à un franc quatrevingt-quinze,en zanella, monture acier, inusable, disait l'étiquette. Mais il voulutsurtout battre son concurrent avec ses manches, <strong>des</strong> manches de bambou, decornouiller, d'olivier, de myrte, de rotin, toutes les variétés de manches imaginables.Le <strong>Bonheur</strong>, moins artiste, soignait l'étoffe, vantait ses alpagas et ses mohairs, sessergés et ses taffetas cuits. Et la victoire lui resta, le vieillard désespéré répéta quel'art était fichu, qu'il en était réduit à tailler ses manches pour le plaisir, sans espoir deles vendre.- C'est ma faute ! criait-il à Denise. Est-ce que j'aurais dû tenir <strong>des</strong> saletés à un franc.quatre-vingt-quinze ?... Voilà où les idées nouvelles peuvent conduire. J'ai voulusuivre l'exemple de ces brigands, tant mieux si j'en crève !Juillet fut très chaud. Denise souffrait dans son étroite chambre, sous les ardoises.<strong>Au</strong>ssi lorsqu'elle sortait de son magasin, prenait-elle Pépé chez Bourras ; et, au lieu demonter tout de suite, elle allait respirer un peu l'air <strong>des</strong> Tuileries, jusqu'à la fermeture<strong>des</strong> grilles. Un soir, <strong>com</strong>me elle se dirigeait vers les marronniers, elle resta saisie : àquelques pas, marchant droit à elle, il lui semblait reconnaître Hutin. Puis, son coeurbattit violemment. C'était Mouret, qui avait dîné sur la rive gauche et qui se hâtait <strong>des</strong>e rendre à pied chez Mme Desforges. <strong>Au</strong> brusque mouvement que fit la jeune fillepour lui échapper, il la regarda. La nuit tombait, il la reconnut pourtant.- C'est vous, mademoiselle.Elle ne répondit pas, éperdue qu'il eût daigné s'arrêter. Lui, souriant, cachait sa gênesous un air d'aimable protection.- Vous êtes toujours à Paris ?- Oui, monsieur, dit-elle enfin.Lentement, elle reculait, elle cherchait à saluer, pour continuer sa promenade. Mais ilrevint lui-même sur ses pas, il la suivit sous les ombres noires <strong>des</strong> grandsmarronniers. Une fraîcheur tombait, <strong>des</strong> enfants riaient au loin., en poussant <strong>des</strong>cerceaux.- C'est votre frère, n'est-ce pas ? demanda-t-il encore, les yeux sur Pépé. .Celui-ci intimidé par cette présence extraordinaire d'un monsieur, marchait gravementprès de sa soeur, dont il tenait la main :- Oui, monsieur, répondit-elle de nouveau.Elle avait rougi, elle songeait aux inventions abominables de Marguerite et de Clara.Sans doute, Mouret <strong>com</strong>prit la cause de sa rougeur, car il ajouta vivement :- Écoutez, mademoiselle, j'ai <strong>des</strong> excuses à vous présenter...Oui, j'aurais été heureux de vous dire plus tôt <strong>com</strong>bien j'ai regretté l'erreur qui a été<strong>com</strong>mise. On vous a accusée trop légèrement d'une faute... Enfin, le mal est fait, jevoulais seulement vous apprendre que tout le monde, chez nous, connaît aujourd'huivotre tendresse pour vos frères...Il continua, fut d'une politesse respectueuse, à laquelle les vendeuses du <strong>Bonheur</strong> <strong>des</strong><strong>Dames</strong> n'étaient guère habituées de sa part. Le trouble de Denise avait augmenté ;mais une joie inondait son coeur. Il savait donc qu'elle ne s'était donnée à personne !Tous deux gardaient le silence, il restait près d'elle, réglant ses pas sur les petits pasde l'enfant ; et les bruits lointains de Paris se mouraient, sous les ombres noires <strong>des</strong>grands arbres.- Je n'ai qu'une réhabilitation à vous offrir, mademoiselle, reprit-il. Naturellement, sivous désirez rentrer chez nous...Elle l'interrompit, elle refusa avec une hâte fébrile.110

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