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Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

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aperçut l'un <strong>des</strong> ascenseurs; et elle y poussa les enfants, pour <strong>com</strong>pléter la partie.Mme Marty et Valentine entrèrent aussi dans l'étroite cage, où l'on fut très serré ;mais les glaces, les banquettes de velours, la porte de cuivre ouvragé, les occupaientà ce point qu'elles arrivèrent au premier étage, sans avoir senti le glissement doux dela machine. Un autre régal les attendait d'ailleurs, dès la galerie <strong>des</strong> dentelles. Commeon passait devant le buffet, Mme Bourdelais ne manqua pas de gorger la petite famillede sirop. C'était une salle carrée, avec un large <strong>com</strong>ptoir de marbre; aux deux bouts,<strong>des</strong> fontaines argentées laissaient couler un mince filet d'eau ; derrière, sur <strong>des</strong>tablettes, s'alignaient <strong>des</strong> bouteilles. Trois garçons, continuellement, essuyaient etemplissaient les verres. Pour contenir la clientèle altérée, on avait dû établir unequeue, ainsi qu'aux portes <strong>des</strong> théâtres, à l'aide d'une barrière recouverte de velours.La foule s'y écrasait. Des personnes, perdant tout scrupule devant ces gourmandisesgratuites, se rendaient mala<strong>des</strong>.- Eh bien! où sont-elles donc? s'écria Mme Bourdelais, lorsqu'elle se dégagea de lacohue, après avoir essuyé les enfants avec son mouchoir.Mais elle aperçut Mme Marty et Valentine au fond d'une autre galerie, très loin. Toutesdeux, noyées sous un déballage de jupons, achetaient encore. C'était fini, la mère etla fille disparurent dans la fièvre de dépense qui les emportait.Quand elle arriva enfin au salon de lecture et de correspondance, Mme Bourdelaisinstalla Madeleine, Edmond et Lucien devant la grande table ; puis, elle prit ellemême,dans une bibliothèque, <strong>des</strong> albums de photographies qu'elle leur apporta. Lavoûte de la longue salle était chargée d'or; aux deux extrémités, <strong>des</strong> cheminéesmonumentales se faisaient face; de médiocres tableaux, très richement encadrés,couvraient les murs; et, entre les colonnes, devant chacune <strong>des</strong> baies cintrées quiouvraient sur les magasins, il y avait de hautes plantes vertes, dans <strong>des</strong> vases demajolique. Tout un public silencieux entourait la table, en<strong>com</strong>brée de revues et dejournaux, garnie de papeteries et d'encriers. Des dames ôtaient leurs gants, écrivaient<strong>des</strong> lettres sur du papier au chiffre de la maison, dont elles biffaient l'en-tête d'un traitde plume. Quelques hommes, renversés au fond de leurs fauteuils, lisaient <strong>des</strong>journaux. Mais beaucoup de personnes restaient là sans rien faire: maris attendantleurs femmes lâchées au travers <strong>des</strong> rayons, jeunes dames discrètes guettant l'arrivéed'un amant, vieux parents déposés <strong>com</strong>me au vestiaire, pour être repris à la sortie. Etce monde, assis mollement, se reposait, jetait <strong>des</strong> coups d'oeil, par les baies ouvertes,sur les profondeurs <strong>des</strong> galeries et <strong>des</strong> halls, dont la voix lointaine montait, dans lepetit bruit <strong>des</strong> plumes et le froissement <strong>des</strong> journaux.- Comment! vous voilà ! dit Mme Bourdelais. Je ne vous reconnaissais pas. Près <strong>des</strong>enfants, une dame disparaissait entre les pages d'une revue. C'était Mme Guibal. Ellesembla contrariée de la rencontre. Mais elle se remit tout de suite, raconta qu'elle étaitmontée s'asseoir un peu, pour échapper à l'écrasement de la foule. Et, <strong>com</strong>me MmeBourdelais lui demandait si elle était venue faire <strong>des</strong> emplettes, elle répondit de sonair de langueur, en éteignant de ses paupières l'âpreté égoïste de son regard :- Oh ! non... <strong>Au</strong> contraire, je suis venue rendre. Oui, <strong>des</strong> portières, dont je ne suis passatisfaite. Seulement, il y a un tel monde, que j'attends de pouvoir approcher durayon.Elle causa, dit que c'était bien <strong>com</strong>mode, ce mécanisme <strong>des</strong> rendus ; auparavant, ellen'achetait jamais, tandis que, maintenant, elle se laissait tenter parfois. À la vérité,elle rendait quatre objets sur cinq, elle <strong>com</strong>mençait à être connue de tous les<strong>com</strong>ptoirs, pour les négoces étranges, flairés sous l'éternel mécontentement qui luifaisait rapporter les articles un à un, après les avoir gardés plusieurs jours. Mais, enparlant, elle ne quittait pas <strong>des</strong> yeux les portes du salon ; et elle parut soulagée,quand Mme Bourdelais retourna vers ses enfants, afin de leur expliquer lesphotographies. Presque au même moment,134

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