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Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

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M. de Boves et Paul de Vallagnosc entrèrent. Le <strong>com</strong>te, qui affectait de faire visiter aujeune homme les nouveaux magasins, échangea avec elle un vif regard ; puis, elle sereplongea dans sa lecture, <strong>com</strong>me si elle ne l'avait pas aperçu.- Tiens ! Paul ! dit une voix derrière ces messieurs.C'était Mouret, en train de donner son coup d'oeil aux divers services. Les mains setendirent, et il demanda tout de suite :- Mme de Boves nous a-t-elle fait l'honneur de venir ?- Mon Dieu ! non, répondit le <strong>com</strong>te, et à son grand regret.Elle est souffrante, oh ! rien de dangereux.Mais brusquement, il feignit de voir Mme Guibal. Il s'échappa, s'approcha, tête nue ;tandis que les deux autres se contentaient de la saluer de loin. Elle, également, jouaitla surprise. Paul avait eu un sourire ; il <strong>com</strong>prenait enfin, il raconta tout bas à Mouret<strong>com</strong>ment le <strong>com</strong>te, rencontré par lui rue Richelieu, s'était efforcé de lui échapper etavait pris le parti de l'entraîner au <strong>Bonheur</strong>, sous le prétexte qu'il fallait absolumentvoir ça. Depuis un an, la dame tirait de ce dernier l'argent et le plaisir qu'elle pouvait,n'écrivant jamais, lui donnant rendez-vous dans <strong>des</strong> lieux publics, les églises, lesmusées, les magasins, pour s'entendre.- Je crois qu'à chaque rendez-vous, ils changent de chambre d'hôtel, murmurait lejeune homme. L'autre mois, il était en tournée d'inspection, il écrivait à sa femme tousles deux jours, de Blois, de Libourne, de Tarbes; et je suis pourtant convaincu del'avoir vu entrer dans une pension bourgeoise <strong>des</strong> Batignolles... Mais, regarde-le donc! est-il beau, devant elle, avec sa correction de fonctionnaire ! La vieille France ! monami, la vieille France !- Et ton mariage ? demanda Mouret. Paul, sans quitter le <strong>com</strong>te <strong>des</strong> yeux, réponditqu'on attendait toujours la mort de la tante. Puis, l'air triomphant:- Hein ? tu as vu ? il s'est baissé, il lui a glissé une adresse.La voilà qui accepte, de sa mine la plus vertueuse : une terrible femme, cette roussedélicate, aux allures insouciantes... Eh bien ! il se passe de jolies choses chez toi !- Oh ! dit Mouret en souriant, ces dames ne sont point ici chez moi, elles sont chezelles.Ensuite, il plaisanta. L'amour, <strong>com</strong>me les hirondelles, portait bonheur aux maisons.Sans doute, il les connaissait, les filles qui battaient les <strong>com</strong>ptoirs, les dames qui, parhasard, y rencontraient un ami ; mais si elles n'achetaient pas, elles faisaient nombre,elles chauffaient les magasins. Tout en causant, il emmena son ancien condisciple, il leplanta au seuil du salon, en face de la grande galerie centrale, dont les halls successifsse déroulaient à leurs pieds. Derrière eux, le salon gardait son recueillement, sespetits bruits de plumes nerveuses et de journaux froissés. Un vieux monsieur s'étaitendormi sur le Moniteur. M. de Boves examinait les tableaux, avec l'intention évidentede perdre dans la foule son futur gendre. Et, seule, au milieu de ce calme, MmeBourdelais égayait ses enfants, très haut, <strong>com</strong>me en pays conquis.- Tu le vois, elles sont chez elles, répéta Mouret, qui montrait d'un geste largel'entassement de femmes dont craquaient les rayons.Justement, Mme Desforges, après avoir failli laisser son manteau dans la foule, entraitenfin et traversait le premier hall.Puis, arrivée à la grande galerie, elle leva les yeux. C'était <strong>com</strong>me une nef de gare,entourée par les rampes <strong>des</strong> deux étages, coupée d'escaliers suspendus, traversée deponts volants.Les escaliers de fer, à double révolution, développaient <strong>des</strong> courbes hardies,multipliaient les paliers ; les ponts de fer, jetés sur le vide, filaient droit, très haut ; ettout ce fer mettait là, sous la lumière blanche <strong>des</strong> vitrages, une architecture légère,une dentelle <strong>com</strong>pliquée où passait le jour, la réalisation moderne d'un palais du rêve,d'une Babel entassant <strong>des</strong> étages, élargissant <strong>des</strong> salles, ouvrant <strong>des</strong> échappées surd'autres étages et d'autres salles, à l'infini. Du reste, le fer régnait partout, le jeunearchitecte avait eu l'honnêteté et le courage de ne pas le déguiser sous une couche de135

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