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Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

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- Bonne chance !- Oui, bonne chance !IIIChaque samedi, de quatre à six, Mme Desforges offrait une tasse de thé et <strong>des</strong>gâteaux aux personnes de son intimité, qui voulaient bien la venir voir. L'appartementse trouvait au troisième, à l'encoignure <strong>des</strong> rues de Rivoli et d'Alger; et les fenêtres<strong>des</strong> deux salons ouvraient sur le Jardin <strong>des</strong> Tuileries.Justement, ce samedi-là, <strong>com</strong>me un domestique allait l'introduire dans le grand salon,Mouret aperçut de l'antichambre, par une porte restée ouverte, Mme Desforges quitraversait le petit salon. Elle s'était arrêtée en le voyant, et il entra par là, il la saluad'un air de cérémonie. Puis, quand le domestique eut refermé la porte, il saisitvivement la main de la jeune femme, qu'il baisa avec tendresse.- Prends garde, il y a du monde ! dit-elle tout bas, en désignant d'un signe la porte dugrand salon. Je suis allée chercher cet éventail pour le leur montrer.Et, du bout de l'éventail, elle lui donna gaiement un léger coup au visage. Elle étaitbrune, un peu forte, avec de grands yeux jaloux. Mais il avait gardé sa main, ildemanda :- Viendra-t-il ?- Sans doute, répondit-elle. J'ai sa promesse.Tous deux parlaient du baron Hartmann, directeur du Crédit Immobilier. MmeDesforges, fille d'un conseiller d'Etat, était veuve d'un homme de Bourse qui lui avaitlaissé une fortune, niée par les uns, exagérée par les autres. Du vivant même decelui-ci, disait-on, elle s'était montrée reconnaissante pour le baron Hartmann, dontles conseils de grand financier profitaient au ménage ; et, plus tard, après la mort dumari, la liaison devait avoir continué, mais toujours discrètement, sans uneimprudence, sans un éclat. Jamais Mme Desforges ne s'affichait, on la recevaitpartout, dans la haute bourgeoisie où elle était née. Même aujourd'hui que la passiondu banquier, homme sceptique et fin, tournait à une simple affection paternelle, si ellese permettait d'avoir <strong>des</strong> amants qu'il lui tolérait, elle apportait, dans ses coups decoeur, une mesure et un tact si délicats, une science du monde si adroitementappliquée, que les apparences restaient sauves et que personne ne se serait permis demettre tout haut son honnêteté en doute. Ayant rencontré Mouret chez <strong>des</strong> amis<strong>com</strong>muns, elle l'avait détesté d'abord ; puis, elle s'était donnée plus tard, <strong>com</strong>meemportée dans le brusque amour dont il l'attaquait, et, depuis qu'il manoeuvrait demanière à tenir par elle le baron, elle se prenait peu à peu d'une tendresse vraie etprofonde, elle l'adorait avec la violence d'une femme de trente-cinq ans déjà, qui n'enavouait que vingt-neuf, désespérée de le sentir plus jeune, tremblant de le perdre.- Est-il au courant ? reprit-il.- Non, vous lui expliquerez vous-même l'affaire, répondit-elle, cessant de le tutoyer.32

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