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Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

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aménagements nouveaux, sous <strong>des</strong> nuages de plâtre. Seule, au milieu de cebouleversement, l'étroite masure du vieux Bourras restait immobile et intacte,obstinément accrochée entre les hautes murailles, couvertes de maçons.Lorsque, le lendemain, Denise se rendit avec Pépé chez l'oncle Baudu, la rue étaitjustement barrée par une file de tombereaux, qui déchargeaient <strong>des</strong> briques devantl'ancien Hôtel Duvillard. Debout sur le seuil de sa boutique, l'oncle regardait d'un oeilmorne. À mesure que le <strong>Bonheur</strong> <strong>des</strong> <strong>Dames</strong> s'élargissait, il semblait que le VieilElbeuf diminuât... La jeune fille trouvait les vitrines plus noires, plus écrasées sousl'entresol bas, aux baies ron<strong>des</strong> de prison; l'humidité avait encore déteint la vieilleenseigne verte, une détresse tombait de la façade entière, plombée et <strong>com</strong>meamaigrie.- Vous voilà, dit Baudu. Prenez garde ! ils vous passeraient sur le corps.Dans la boutique, Denise éprouva le même serrement de coeur. Elle la revoyaitassombrie, gagnée davantage parla somnolence de la ruine ; <strong>des</strong> angles vi<strong>des</strong>creusaient <strong>des</strong> trous de ténèbres, la poussière envahissait les <strong>com</strong>ptoirs et les casiers;tandis qu'une odeur de cave salpêtrée montait <strong>des</strong> ballots de draps, qu'on ne remuaitplus. À la caisse, Mme Baudu et Geneviève se tenaient muettes et immobiles, <strong>com</strong>medans un coin de solitude, où personne ne venait les déranger. La mère ourlait <strong>des</strong>torchons. La fille, les mains tombées sur les genoux, regardait le vide devant elle.- Bonsoir, ma tante, dit Denise. Je suis bien heureuse de vous revoir, et si je vous aifait de la peine, veuillez me le pardonner.Mme Baudu l'embrassa, très émue.- Ma pauvre fille, répondit-elle, si je n'avais pas d'autres peines, tu me verrais plusgaie.- Bonsoir, ma cousine, reprit Denise, en baisant la première Geneviève sur les joues.Celle-ci s'éveillait <strong>com</strong>me en sursaut. Elle lui rendit ses baisers, sans trouver uneparole. Les deux femmes prirent ensuite Pépé, qui tendait ses petits bras. Et laréconciliation fut <strong>com</strong>plète.- Eh bien! il est six heures, mettons-nous à table, dit Baudu. Pourquoi n'as-tu pasamené Jean ?- Mais il devait venir, murmura Denise embarrassée.Justement, je l'ai vu ce matin, il m'a formellement promis...Oh ! il ne faut pas l'attendre, son patron l'aura retenu.Elle se doutait de quelque histoire extraordinaire, elle voulait l'excuser d'avance.- Alors, mettons-nous à table, répéta l'oncle.Puis, se tournant vers le fond obscur de la boutique :- Colomban, vous pouvez dîner en même temps que nous.Personne ne viendra.Denise n'avait pas aperçu le <strong>com</strong>mis. La tante lui expliqua qu'ils avaient dû congédierl'autre vendeur et la demoiselle.Les affaires devenaient si mauvaises, que Colomban suffisait ; et encore passait-il <strong>des</strong>heures inoccupé, alourdi, glissant au sommeil, les yeux ouverts.Dans la salle à manger, le gaz brûlait, bien qu'on fût aux longs jours de l'été. Deniseeut un léger frisson en entrant, les épaules saisies par la fraîcheur qui tombait <strong>des</strong>murs. Elle retrouva la table ronde, le couvert mis sur une toile cirée, la fenêtreprenant l'air et la lumière au fond du boyau empesté de la petite cour. Et ces choseslui paraissaient, <strong>com</strong>me la boutique, s'être assombries encore et avoir <strong>des</strong> larmes.- Père, dit Geneviève, gênée pour Denise, voulez-vous que je ferme la fenêtre ? Ça nesent pas bon.Lui, ne sentait rien. Il resta surpris.- Ferme la fenêtre, si cela t'amuse, répondit-il enfin.Seulement, nous manquerons d'air.En effet, on étouffa. C'était un dîner de famille, fort simple.114

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