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Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

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- C'est ce que je lui ai dit, déclara Mme <strong>Au</strong>rélie. Mais elle a voulu quand même nousaider.Toutes ces demoiselles s'empressaient auprès de Denise. Le travail s'en trouvainterrompu. On la <strong>com</strong>plimentait, on écoutait avec <strong>des</strong> exclamations l'histoire de sonentorse. Enfin, Mme <strong>Au</strong>rélie la fit asseoir devant une table; et il fut entendu qu'elle secontenterait d'inscrire les articles appelés. D'ailleurs, le dimanche de l'inventaire, onmettait à réquisition tous les employés capables de tenir une plume: les inspecteurs,les caissiers, les <strong>com</strong>mis aux écritures, jusqu'aux garçons de magasin ; puis les diversrayons se partageaient ces ai<strong>des</strong> d'un jour, pour bâcler vivement la besogne. C'étaitainsi que Denise se trouvait installée près du caissier Lhomme et du garçon Joseph,l'un et l'autre penchés sur de gran<strong>des</strong> feuilles de papier.- Cinq manteaux, drap, garnis fourrure, troisième grandeur, à deux cent quarante!criait Marguerite. Quatre idem, première grandeur, à deux cent vingt!Le travail re<strong>com</strong>mença. Derrière Marguerite, trois vendeuses vidaient les armoires,classaient les articles,l es lui donnaient par paquets; et, quand elle les avait appelés,elle les jetait sur les tables, où ils s'entassaient peu à peu, en piles énormes.Lhomme inscrivait, Joseph dressait une autre liste, pour le contrôle. Pendant cetemps, Mme <strong>Au</strong>rélie elle-même, aidée de trois autres vendeuses, dénombrait de soncôté les vêtements de soie, que Denise portait sur <strong>des</strong> feuilles. Clara était chargée deveiller aux tas, de les ranger et de les échafauder, de manière à ce qu'ils tinssent lemoins de place possible, le long <strong>des</strong> tables. Mais elle n'était guère à sa tâche, <strong>des</strong> pilescroulaient déjà. - Dites donc, demanda-t-elle à une petite vendeuse entrée de l'hiver,est-ce qu'on vous augmente ?... Vous savez qu'on va mettre la seconde à deux millefrancs, ce qui lui fera près de sept mille, avec son intérêt.La petite vendeuse, sans cesser de passer <strong>des</strong> roton<strong>des</strong>, répondit que, si on ne luidonnait pas huit cents francs, elle lâcherait la boîte. Les augmentations avaient lieu aulendemain de l'inventaire ; c'était également l'époque où, le chiffre d'affaires réaliséespendant l'année étant connu, les chefs de rayon touchaient leurs intérêts surl'augmentation de ce chiffre, <strong>com</strong>paré au chiffre de l'année précédente. <strong>Au</strong>ssi, malgréle vacarme et le tohu-bohu de la besogne, les <strong>com</strong>mérages passionnés allaient-ils leurtrain. Entre deux articles appelés, on ne causait que d'argent. Le bruit courait queMme <strong>Au</strong>rélie dépasserait vingt-cinq mille francs ; et une pareille somme excitaitbeaucoup ces demoiselles.Marguerite, la meilleure vendeuse après Denise, s'était fait quatre mille cinq centsfrancs, quinze cents francs d'appointements fixes et trois mille francs environ de tantpour cent; tandis que Clara n'arrivait pas à deux mille cinq cents, en tout.- Moi, je m'en fiche, de leurs augmentations ! reprenait celle-ci, en s'adressant à lapetite vendeuse. Si papa était mort, ce que je les planterais là... ! Mais une chose quim'exaspère, ce sont les sept mille francs de ce bout de femme. Hein ! et vous ?Mme <strong>Au</strong>rélie interrompit violemment la conversation. Elle se tourna, de son airsuperbe.- Taisez-vous donc, mesdemoiselles ! On ne s'entend pas, ma parole d'honneur !Puis, elle se remit à crier :- Sept mantes à la vieille, sicilienne, première grandeur, à cent trente!... Troispelisses, surah, deuxième grandeur, à cent cinquante !... Y êtes-vous, mademoiselleBaudu ?- Oui, madame.Alors, Clara dut s'occuper <strong>des</strong> brassées de vêtements empilés sur les tables. Elle lesbouscula, gagna de la place. Mais bientôt elle les lâcha encore, pour répondre à unvendeur qui la cherchait. C'était le gantier Mignot, échappé de son rayon. Il chuchotaune demande de vingt francs ; déjà, il lui en devait trente, un emprunt pratiqué unlendemain de courses, après avoir perdu sa semaine sur un cheval ; cette fois, il avaitmangé à l'avance sa guelte touchée la veille, il ne lui restait pas dix sous pour sondimanche. Clara n'avait sur elle que dix francs, qu'elle prêta d'assez bonne grâce. Et151

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