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Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

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traverser <strong>des</strong> rayons où elles n'auraient pas mis les pieds, <strong>des</strong> tentations les yaccrochent au passage, et elles suc<strong>com</strong>bent; quatrièmement...Bourdoncle riait avec lui. Alors, Mouret, enchanté, s'arrêta, pour crier aux garçons:-Très bien, mes enfants! Maintenant, un coup de balai, et voilà qui est beau !Mais, en se tournant, il aperçut Denise. Lui et Bourdonde se trouvaient devant le rayon<strong>des</strong> confections, qu'il venait justement de dédoubler, en faisant monter les robes etcostumes au second étage, à l'autre bout <strong>des</strong> magasins. Denise, <strong>des</strong>cendue lapremière, ouvrait de grands yeux, dépaysée par les aménagements nouveaux.- Quoi donc? murmura-t-elle, on déménage ?Cette surprise parut amuser Mouret, qui adorait ces coups de théâtre. Dès lespremiers jours de février, Denise était rentrée au <strong>Bonheur</strong>, où elle avait eu l'heureuxétonnement de retrouver le personnel poli, presque respectueux. Mme <strong>Au</strong>rélie surtoutse montrait bienveillante; Marguerite et Clara semblaient résignées; jusqu'au pèreJouve qui pliait l'échine, l'air embarrassé, <strong>com</strong>me désireux d'effacer le vilain souvenird'autrefois. Il suffisait que Mouret eût dit un mot, tout le monde chuchotait, en lasuivant <strong>des</strong> yeux. Et, dans cette amabilité générale, elle n'était un peu blessée que parla tristesse singulière de Deloche et les sourires inexplicables de Pauline.Cependant, Mouret la regardait toujours de son air ravi.- Que cherchez-vous donc, mademoiselle? demanda-t-il enfin.Denise ne l'avait pas aperçu. Elle rougit légèrement. Depuis sa rentrée, elle recevaitde lui <strong>des</strong> marques d'intérêt, qui la touchaient beaucoup. Pauline, sans qu'elle sûtpourquoi, lui avait conté en détailles amours du patron et de Clara, où il la voyait, cequ'il la payait ; et elle en reparlait souvent, elle ajoutait même qu'il avait une autremaîtresse, cette Mme Desforges, bien connue de tout le magasin. De telles histoiresremuaient Denise, elle était reprise devant lui de ses peurs d'autrefois, d'un malaiseoù sa reconnaissance luttait contre de la colère.- C'est tout ce remue-ménage, murmura-t-elle.Alors, Mouret s'approcha pour lui dire à voix plus basse :- Ce soir, après la vente, veuillez passer à mon cabinet. Je désire vous parler.Troublée, elle inclina la tête, sans prononcer un mot.D'ailleurs, elle entra au rayon, où les autres vendeuses arrivaient. Mais Bourdondeavait entendu Mouret, et il le regardait en souriant. Même il osa lui dire, quand ilsfurent seuls :- Encore celle-là ! Méfiez-vous, ça finira par être sérieux! Vivement, Mouret sedéfendit, cachant son émotion sous un air d'insouciance supérieure.- Laissez donc, une plaisanterie ! La femme qui me prendra n'est pas née, mon cher !Et, <strong>com</strong>me les magasins ouvraient enfin, il se précipita pour donner un dernier coupd'oeil aux divers <strong>com</strong>ptoirs. Bourdonde hochait la tête. Cette Denise, simple et douce,<strong>com</strong>mençait à l'inquiéter. Une première fois, il avait vaincu, par un renvoi brutal. Maiselle reparaissait, et il la traitait en ennemie sérieuse, muet devant elle, attendant denouveau.Mouret, qu'il rattrapa, criait en bas, dans le hall Saint-<strong>Au</strong>gustin, en face de la ported'entrée :- Est-ce qu'on se fiche de moi ! J'avais dit de mettre. les ombrelles bleues enbordure... Cassez-moi tout ça et vite !Il ne voulut rien entendre, une équipe de garçons dut remanier l'exposition <strong>des</strong>ombrelles. En voyant les clientes arriver, il fit même fermer un instant les portes; et ilrépétait qu'il n'ouvrirait pas, plutôt que de laisser les ombrelles bleues au centre. Çatuait sa <strong>com</strong>position. Les étalagistes renommés, Hutin, Mignot, d'autres encore,venaient voir, levaient les yeux ; mais ils affectaient de ne pas <strong>com</strong>prendre, étantd'une école différente.Enfin, on rouvrit les portes, et le flot entra. Dès la première heure, avant que lesmagasins fussent pleins, il se produisit sous le vestibule un écrasement tel, qu'il fallutavoir recours aux sergents de ville, pour rétablir la circulation sur le trottoir. Mouret130

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