12.07.2015 Views

Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

SHOW MORE
SHOW LESS
  • No tags were found...

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Les uns l'aimaient, les autres trouvaient ça trop mastic. Et ceux qui lisaient, restaientsilencieux, enfoncés dans le feuilleton de leur journal, ne sachant même pas ce qu'ilsmangeaient.Tous s'épongeaient le front, l'étroit caveau s'emplissait d'une vapeur rousse ; tandisque les ombres <strong>des</strong> passants, continuellement, couraient en barres noires sur lecouvert débandé.- Passez le pain à Deloche, cria un farceur.Chacun coupait son morceau, puis replantait le couteau dans la croûte, jusqu'aumanche ; et le pain circulait toujours.- Qui prend mon riz contre son <strong>des</strong>sert ? demanda Hutin.Quand il eut conclu le marché avec un petit jeune homme mince, il tenta aussi devendre son vin ; mais personne n'en voulut, on le trouvait exécrable.- Je vous disais donc que Robineau est de retour, continua-t-il, au milieu <strong>des</strong> rires et<strong>des</strong> conversations qui se croisaient.Oh ! son affaire est grave... Imaginez-vous qu'il débauche les vendeuses ! Oui, il leurprocure <strong>des</strong> noeuds de cravate !- Silence ! murmura Favier. Voilà qu'on le juge.Du coin de l'oeil, il montrait Bouthemont, qui marchait dans le couloir, entre Mouret etBourdoncle, tous trois absorbés, parlant à demi-voix, vivement. La salle à manger <strong>des</strong>chefs de <strong>com</strong>ptoir et <strong>des</strong> seconds se trouvait justement en face. Lorsque Bouthemontavait vu passer Mouret, il s'était levé de table, ayant fini, et il contait les ennuis de sonrayon, il disait son embarras. Les deux autres l'écoutaient, refusant encore de sacrifierRobineau, un vendeur de premier ordre, qui datait de Mme Hédouin. Mais, quand il envint à l'histoire <strong>des</strong> noeuds de cravate, Bourdonde s'emporta. Est-ce que ce garçonétait fou, de s'entremettre pour donner <strong>des</strong> travaux supplémentaires aux vendeuses?La maison payait assez cher le temps de ces demoiselles ; si elles travaillaient à leur<strong>com</strong>pte la nuit, elles travaillaient moins dans le jour au magasin, c'était clair ; elles lesvolaient donc, elles risquaient leur santé qui ne leur appartenait pas. La nuit était faitepour dormir, toutes devaient dormir, ou bien on les flanquerait dehors !- Ça chauffe, fit remarquer Hutin.Chaque fois que les trois hommes, dans leur promenade lente, passaient devant lasalle à manger, les <strong>com</strong>mis les guettaient, <strong>com</strong>mentaient leurs moindres gestes. Ils enoubliaient le riz au gratin, où un caissier venait de trouver un bouton de culotte.- J'ai entendu le mot "cravate ", dit Favier. Et vous avez vu le nez de Bourdoncle qui ablanchi tout d'un coup.Cependant, Mouret partageait l'indignation de l'intéressé.Une vendeuse réduite à travailler la nuit, lui semblait une attaque contre l'organisationmême du <strong>Bonheur</strong>. Quelle était donc la sotte qui ne savait pas se suffire, avec sesbénéfices sur la vente ? Mais, quand Bouthemont eut nommé Denise, il se radoucit, iltrouva <strong>des</strong> excuses. Ah ! oui, cette petite fille : elle n'était pas encore très adroite etelle avait <strong>des</strong> charges, assurait-on. Bourdonde l'interrompit pour déclarer qu'il fallait larenvoyer sur l'heure. On ne tirerait jamais rien d'un laideron pareil, il l'avait toujoursdit ; et il semblait satisfaire une rancune. Alors, Mouret, pris d'embarras, affecta derire. Mon Dieu !quel homme sévère ! ne pouvait-on pardonner une fois ? On ferait venir la coupable,on la gronderait. En somme, c'était Robineau qui avait tous les torts, car il aurait dû ladétourner, lui, un ancien <strong>com</strong>mis au courant <strong>des</strong> habitu<strong>des</strong> de la maison.- Eh bien! voilà le patron qui rit maintenant ! reprit Favier étonné, <strong>com</strong>me le groupepassait de nouveau devant la porte.- Ah sacristi ! jura Hutin, s'ils s'obstinent à nous coller leur Robineau sur les épaules,nous allons leur donner de l'agrément !Bourdoncle regardait Mouret en face. Puis, il eut simplement un geste dédaigneux,pour dire qu'il <strong>com</strong>prenait enfin et que c'était imbécile. Bouthemont avait repris sesplaintes : les vendeurs menaçaient de partir, et il s'en trouvait d'excellents parmi eux.90

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!