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Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

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la fabrication n'a qu'à suivre le progrès, par une meilleure organisation et <strong>des</strong>procédés nouveaux. Tout s'arrangera, il suffit que le public soit content.Denise souriait. Elle répondit :- Allez donc dire cela à M. Mouret lui-même... Votre visite lui fera plaisir, et il n'est pashomme à vous tenir rancune, si vous lui offrez seulement un bénéfice d'un centimepar mètre.Ce fut en janvier que Mme Baudu expira, par un clair après-midi de soleil. Depuisquinze jours, elle ne pouvait plus <strong>des</strong>cendre à la boutique, qu'une femme de journéegardait. Elle était assise au milieu de son lit, les reins soutenus par <strong>des</strong> oreillers.Seuls, dans son visage blanc, les yeux vivaient encore ; et, la tête droite, elle lestournait obstinément vers le <strong>Bonheur</strong> <strong>des</strong> <strong>Dames</strong>, en face, à travers les petits rideaux<strong>des</strong> fenêtres.Baudu, souffrant lui-même de cette obsession, de la fixité désespérée de ces regards,voulait parfois tirer les grands rideaux.Mais, d'un geste suppliant, elle l'arrêtait, elle s'entêtait à voir, jusqu'à son derniersouffle. Maintenant, le monstre lui avait tout pris, sa maison, sa fille ; elle-même s'enétait allée peu à peu avec le Vieil Elbeuf, perdant de sa vie à mesure qu'il perdait de saclientèle; le jour où il râlait, elle n'avait plus d'haleine. Quand elle se sentit mourir, elleeut encore la force d'exiger de son mari qu'il ouvrît les deux fenêtres. Il faisait doux,une nappe de gai soleil dorait le <strong>Bonheur</strong>, tandis que la chambre de l'antique logisfrissonnait dans l'ombre. Mme Baudu demeurait les regards fixes, emplis de cettevision de monument triomphal, de ces glaces limpi<strong>des</strong>, derrière lesquelles passait ungalop de millions. Lentement, ses yeux pâlissaient, envahis de ténèbres, et lorsqu'ilss'éteignirent dans la mort, ils restèrent grands ouverts, regardant toujours, noyés degrosses larmes.Une fois encore, tout le petit <strong>com</strong>merce ruiné du quartier, défila au convoi. On y vit lesfrères Vanpouille, blêmes de leurs échéances de décembre, payées par un suprêmeeffort qu'ils ne pourraient re<strong>com</strong>mencer. Bédoré et soeur s'appuyait sur une canne,travaillé de tels soucis, que sa maladie d'estomac s'aggravait. Deslignières avait euune attaque, Piot et Rivoire marchaient en silence, le nez à terre, en hommes finis. Etl'on n'osait s'interroger sur les disparus, Quinette, Mlle Tatin, d'autres qui, du matin ausoir, sombraient, roulés, emportés dans le flot <strong>des</strong> désastres ; sans <strong>com</strong>pter Robineauallongé sur son lit, avec sa jambe cassée. Mais on se montrait surtout, d'un aird'intérêt, les nouveaux <strong>com</strong>merçants atteints par la peste :le parfumeur Grognet, la modiste Mme Chadeuil, et Lacassagne le fleuriste, et Naud lecordonnier, encore debout, pris seulement de l'anxiété du mal qui devait les balayer àleur tour.Derrière le corbillard, Baudu marchait du même pas de boeuf assommé, dont il avaitac<strong>com</strong>pagné sa fille ; tandis que, au fond de la première voiture de deuil, onapercevait les yeux étincelants de Bourras, sous les broussailles de ses sourcils et <strong>des</strong>es cheveux, d'un blanc de neige.Denise eut un grand chagrin. Depuis quinze jours, elle était brisée de soucis et defatigues. Il lui avait fallu mettre Pépé au collège, et Jean la faisait courir, tellementamoureux de la nièce du pâtissier, qu'il avait supplié sa soeur de la demander enmariage. Ensuite, la mort de la tante, ces catastrophes répétées, venaient d'accablerla jeune fille. Mouret s'était de nouveau mis à sa disposition : ce qu'elle ferait pour sononcle et les autres, serait bien fait. Un matin encore, elle eut un entretien avec lui, à lanouvelle que Bourras était jeté sur le pavé, et que Baudu allait fermer boutique. Puis,elle sortit après le déjeuner, avec l'espoir de soulager au moins ceux-là.Dans la rue de la Michodière, Bourras était debout, planté sur le trottoir en face de samaison, dont on l'avait expulsé la veille, à la suite d'un joli tour, une trouvaille del'avoué:<strong>com</strong>me Mouret possédait <strong>des</strong> créances, il venait d'obtenir aisément la mise en faillitedu marchand de parapluies, puis il avait acheté cinq cents francs le droit au bail, dans208

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