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Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

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à une émeute; et il obtenait cet écrasement, en mettant sous la porte les sol<strong>des</strong>, <strong>des</strong>casiers et <strong>des</strong> corbeilles débordant d'articles à vil prix ; si bien que le menu peuples'amassait, barrait le seuil, faisait penser que les magasins craquaient de monde,lorsque souvent ils n'étaient qu'à demi pleins. Ensuite, le long <strong>des</strong> galeries, il avait l'artde dissimuler les rayons qui chômaient, par exemple les châles en été et les indiennesen hiver; il les entourait de rayons vivants, les noyait dans du vacarme. Lui seul avaitencore imaginé de placer au deuxième étage les <strong>com</strong>ptoirs <strong>des</strong> tapis et <strong>des</strong> meubles,<strong>des</strong> <strong>com</strong>ptoirs où les clientes étaient plus rares, et dont la présence au rez-dechausséeaurait creusé <strong>des</strong> trous vi<strong>des</strong> et froids. S'il en avait découvert le moyen, ilaurait fait passer la rue au travers de sa maison.Justement, Mouret se trouvait en proie à une crise d'inspiration. Le samedi soir,<strong>com</strong>me il donnait un dernier coup d'oeil aux préparatifs de la grande vente du lundi,dont on s'occupait depuis un mois, il avait eu la conscience soudaine que leclassement <strong>des</strong> rayons adopté par lui, était inepte. C'était pourtant un classementd'une logique absolue, les tissus d'un côté, les objets confectionnés de l'autre, unordre intelligent qui devait permettre aux clientes de se diriger elles-mêmes. Il avaitrêvé cet ordre autrefois, dans le fouillis de l'étroite boutique de Mme Hédouin ; et voilàqu'il se sentait ébranlé, le jour où il le réalisait. Brusquement, il s'était écrié qu'il fallait" lui casser tout ça". On avait quarante-huit heures, il s'agissait de déménager unepartie <strong>des</strong> magasins. Le personnel, effaré, bousculé, avait dû passer les deux nuits etla journée entière du dimanche, au milieu d'un gâchis épouvantable. Même le lundimatin, une heure avant l'ouverture, <strong>des</strong> marchandises ne se trouvaient pas encore enplace. Certainement, le patron devenait fou, personne ne <strong>com</strong>prenait, c'était uneconsternation générale.- Allons, dépêchons ! criait Mouret, avec la tranquille assurance de son génie. Voiciencore <strong>des</strong> costumes qu'il faut me porter là-haut... Et le Japon est-il installé sur lepalier central ?... Un dernier effort, mes enfants, vous verrez la vente tout à l'heure !Bourdoncle, lui aussi, était là depuis le petit jour. Pas plus que les autres, il ne<strong>com</strong>prenait, et ses regards suivaient le directeur d'un air d'inquiétude. Il n'osait luiposer <strong>des</strong> questions, sachant de quelle manière on était reçu, dans ces moments decrise. Pourtant, il se décida, il demanda doucement :- Est-ce qu'il était bien nécessaire de tout bouleverser ainsi, à la veille de notreexposition ?D'abord, Mouret haussa les épaules, sans répondre. Puis, <strong>com</strong>me l'autre se permitd'insister, il éclata.- Pour que les clientes se tassent toutes dans le même coin, n'est-ce pas ? Une jolieidée de géomètre que j'avais eue là !Je ne m'en serais jamais consolé... Comprenez donc que je localisais la foule. Unefemme entrait, allait droit où elle voulait aller, passait du jupon à la robe, de la robeau manteau, puis se retirait, sans même s'être un peu perdue !... Pas une n'auraitseulement vu nos magasins !- Mais, fit remarquer Bourdoncle, maintenant que vous avez tout brouillé et tout jetéaux quatre coins, les employés useront leurs jambes, à conduire les acheteuses derayon en rayon.Mouret eut un geste superbe.- Ce que je m'en fiche ! Ils sont jeunes, ça les fera grandir...Et tant mieux, s'ils se promènent! Ils auront l'air plus nombreux, ils augmenteront lafoule. Qu'on s'écrase, tout ira bien !Il riait, il daigna expliquer son idée, en baissant la voix:- Tenez! Bourdonde, écoutez les résultats... Premièrement, ce va-et-vient continuel declientes les disperse un peu partout, les multiplie et leur fait perdre la tête;secondement, <strong>com</strong>me il faut qu'on les conduise d'un bout <strong>des</strong> magasins à l'autre, sielles désirent par exemple la doublure après avoir acheté la robe, ces voyages en toussens triplent pour elle la grandeur de la maison; troisièmement, elles sont forcées de129

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