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Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

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gentil, chez lequel elle passait toutes ses heures libres. Jamais qu'un à la fois, dureste. Elle était honnête, elle s'indignait, lorsqu'on parlait de ces filles qui se donnentau premier venu.- Je ne vous dis point de vous mal conduire, au moins ! reprit-elle vivement. Ainsi jene voudrais pas être rencontrée en <strong>com</strong>pagnie de votre Clara, de peur qu'on nem'accusât de faire la noce <strong>com</strong>me elle. Mais, quand on est tranquillement avecquelqu'un, et qu'on n'a aucun reproche à s'adresser... Ça vous semble donc vilain ?- Non, répondit Denise. Ça ne me va pas, voilà tout.Il y eut un nouveau silence. Dans la petite chambre glacée, toutes deux se souriaient,émues de cette conversation à voix basse.- Et puis, il faudrait d'abord avoir de l'amitié pour quelqu'un, reprit-elle, les jouesroses.La lingère fut très étonnée. Elle finit par rire, et elle l'embrassa une seconde fois, endisant :- Mais, ma chérie, quand on se rencontre et qu'on se plaît !Etes-vous drôle ! On ne vous forcera pas... Voyons, voulez-vous que dimanche Baugénous conduise quelque part à la campagne ? Il amènera un de ses amis.- Non, répéta Denise avec une douceur entêtée.Alors, Pauline n'insista plus. Chacune était maîtresse d'agir à son goût. Ce qu'elle enavait dit, c'était par bonté de coeur, car elle éprouvait un véritable chagrin de voir simalheureuse une camarade. Et, <strong>com</strong>me minuit allait sonner, elle se leva pour partir.Mais, auparavant, elle força Denise à accepter les six francs qui lui manquaient, en lasuppliant de ne pas se gêner, de ne les rendre que lorsqu'elle gagnerait davantage.- Maintenant, ajouta-t-elle, éteignez votre bougie, pour qu'on ne sache pas quelleporte s'ouvre... Vous la rallumerez ensuite.La bougie éteinte, toutes deux se serrèrent encore les mains ; et Pauline filalégèrement, rentra chez elle, sans laisser d'autres bruits que le frôlement de sa jupe,au milieu du sommeil écrasé de fatigue, <strong>des</strong> autres petites chambres.Avant de se mettre au lit, Denise voulut achever de recoudre son soulier et faire sonsavonnage. Le froid devenait plus vif, à mesure que la nuit avançait. Mais elle ne lesentait pas, cette causerie avait remué tout le sang de son coeur. Elle n'était pointrévoltée, il lui semblait bien permis d'arranger l'existence <strong>com</strong>me on l'entendait,lorsqu'on se trouvait seule et libre sur la terre. Jamais elle n'avait obéi à <strong>des</strong> idées, saraison droite et sa nature saine la maintenaient simplement dans l'honnêteté où ellevivait. Vers une heure, elle se coucha enfin. Non, elle n'aimait personne. Alors, à quoibon déranger sa vie, gâter le dévouement maternel qu'elle avait voué à ses deuxfrères ?Pourtant, elle ne s'endormait pas, <strong>des</strong> frissons tiè<strong>des</strong> montaient à sa nuque, l'insomniefaisait passer devant ses paupières closes <strong>des</strong> formes indistinctes, qui s'évanouissaientdans la nuit.À partir de ce moment, Denise s'intéressa aux histoires tendres de son rayon. Endehors <strong>des</strong> heures de gros travail, on y vivait dans une préoccupation constante del'homme. Des <strong>com</strong>mérages couraient, <strong>des</strong> aventures égayaient ces demoisellespendant huit jours. Clara était un scandale, avait trois entreteneurs, disait-on, sans<strong>com</strong>pter la queue d'amants de hasard, qu'elle traînait derrière elle; et, si elle nequittait pas le magasin, où elle travaillait le moins possible, dans le dédain d'un argentgagné plus agréablement ailleurs, c'était pour se couvrir aux yeux de sa famille ; carelle avait la continuelle terreur du père Prunaire, qui menaçait de tomber à Paris luicasser les bras et les jambes à coups de sabot. <strong>Au</strong> contraire, Marguerite se conduisaitbien, on ne lui connaissait pas d'amoureux ; cela causait une surprise, toutes seracontaient son aventure, les couches qu'elle était venue cacher à Paris; alors,<strong>com</strong>ment avait-elle pu faire cet enfant, si elle était vertueuse ?et certaines parlaient d'un hasard, en ajoutant qu'elle se gardait maintenant pour soncousin de Grenoble. Ces demoiselles plaisantaient aussi Mme Frédéric, lui prêtaient71

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