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Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

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- Peut-être bien qu'elle se remarie.- Elle est donc veuve ? demanda l'autre.- Je ne sais pas... Seulement, vous devez vous rappeler, la fois qu'elle était en deuil...À moins qu'elle n'ait gagné de l'argent à la Bourse.Un silence régna. Ensuite,il conclut:- Ça la regarde... Si l'on tutoyait toutes les femmes qui viennent ici?Mais Hutin se montrait songeur. Il avait eu, l'avant-veille, une explication vive avec ladirection, et il se sentait condamné.Après la grande mise en vente, son renvoi était certain. Depuis longtemps, sasituation craquait; au dernier inventaire, on lui avait reproché d'être resté au-<strong>des</strong>sousdu chiffre d'affaires fixé d'avance ; et c'était encore, c'était surtout la lente poussée<strong>des</strong> appétits qui le mangeait à son tour, toute la guerre sourde du rayon le jetantdehors, dans le branle même de la machine. On entendait le travail obscur de Favier,un gros bruit de mâchoires, étouffé sous terre. Celui-ci avait déjà la promesse d'êtrenommé premier. Hutin, qui savait ces choses, au lieu de gifler son ancien camarade, leregardait maintenant <strong>com</strong>me très fort.Un garçon si froid, l'air obéissant, dont il s'était servi pour user Robineau etBouthemont ! ça le frappait d'une surprise où il entrait du respect.- A propos, reprit Favier, vous savez qu'elle reste. On vient de voir le patron jouer dela prunelle... Je vais en être pour une bouteille de champagne, moi.Il parlait de Denise. D'un <strong>com</strong>ptoir à l'autre, les <strong>com</strong>mérages soufflaient plus fort, autravers du flot sans cesse épaissi <strong>des</strong> clientes. La soie surtout était en révolution, caron y pariait <strong>des</strong> choses chères.- Sacrédié ! lâcha Hutin, s'éveillant <strong>com</strong>me d'un rêve, ai-je été bête de ne pas coucheravec !... C'est aujourd'hui que je serais chic !Puis, il rougit de cet aveu, en voyant rire Favier. Et il feignit de rire également, ilajouta, pour rattraper sa phrase, que c'était cette créature qui l'avait perdu dansl'esprit de la direction. Cependant, un besoin de violence le prenait, il finit pars'emporter contre les vendeurs débandés sous l'assaut de la clientèle. Mais, tout d'uncoup, il se remit à sourire : il venait d'apercevoir Mme Desforges et Mme Guibaltraversant le rayon avec lenteur.- Il ne vous faut rien, aujourd'hui, madame ?- Non, merci, répondit Henriette. Vous voyez, je me promène, je ne suis venue qu'encurieuse.Quand il l'eut arrêtée, il baissa la voix. Tout un plan germait dans sa tête. Et il laflatta, il dénigra la maison : lui, en avait assez, il préférait s'en aller, que d'assisterdavantage à un pareil désordre. Elle l'écoutait, ravie. Ce fut elle qui, croyant l'enleverau <strong>Bonheur</strong>, lui offrit de le faire engager par Bouthemont <strong>com</strong>me premier à la soie,lorsque les magasins <strong>des</strong> Quatre Saisons seraient réinstallés. L'affaire fut conclue, tousdeux chuchotaient très bas, tandis que Mme Guibal s'intéressait aux étalages.- Puis-je vous offrir un de ces bouquets de violettes ? reprit Hutin tout haut, enmontrant sur une table trois ou quatre <strong>des</strong> bouquets primes, qu'il s'était procurés àune caisse, pour <strong>des</strong> cadeaux personnels.- Ah ! non, par exemple ! s'écria Henriette, avec un mouvement de recul, je ne veuxpas être de la noce.lls se <strong>com</strong>prirent, ils se séparèrent en riant de nouveau, avec <strong>des</strong> coups d'oeild'intelligence.Comme Mme Desforges cherchait Mme Guibal, elle s'exclama, en l'apercevant avecMme Marty. Cette dernière, suivie de sa fille Valentine, était depuis deux heuresemportée à travers les magasins, par une de ces crises de dépense, dont elle sortaitbrisée et confuse. Elle avait battu le rayon <strong>des</strong> meubles qu'une exposition de mobiliersblancs laqués changeait en vaste chambre de jeune fille, les rubans et les fichusdressant <strong>des</strong> colonna<strong>des</strong> blanches tendues de vélums blancs, la mercerie et lapassementerie aux effilés blancs qui encadraient d'ingénieux trophées patiemment225

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