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Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

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- Poulet, dit Mignot derrière lui. Et tous deux, tenant leurs assiettes, entrèrent dans leréfectoire, après avoir pris leur part de vin à la buvette; pendant que, derrière leurdos, le mot " poulet" tombait sans relâche, régulièrement, et qu'on entendait lafourchette du cuisinier piquer les morceaux, avec un petit bruit rapide et cadencé.Maintenant, le réfectoire <strong>des</strong> <strong>com</strong>mis était une immense salle où les cinq centscouverts de chacune <strong>des</strong> trois séries tenaient à l'aise. Ces couverts se trouvaientalignés sur de longues tables d'acajou, placées parallèlement, dans le sens de lalargeur; aux deux bouts de la salle, <strong>des</strong> tables pareilles étaient réservées auxinspecteurs et aux chefs de rayon; et il y avait, dans le milieu, un <strong>com</strong>ptoir pour lessuppléments. De gran<strong>des</strong> fenêtres, à droite et à gauche, éclairaient d'une clartéblanche cette galerie, dont le plafond, malgré ses quatre mètres de hauteur, semblaitbas, écrasé par le développement démesuré <strong>des</strong> autres dimensions. Sur les murs,peints à l'huile d'une teinte jaune clair,les casiers aux serviettes étaient les seulsornements. A la suite de ce premier réfectoire, venait celui <strong>des</strong> garçons de magasin et<strong>des</strong> cochers, où les repas étaient servis sans régularité, au fur et à mesure <strong>des</strong>besoins du service.- Comment! vous aussi, Mignot, vous avez une cuisse, dit Favier, lorsqu'il se fut assisà une <strong>des</strong> tables, en face de son <strong>com</strong>pagnon.D'autres <strong>com</strong>mis s'installaient autour d'eux. Il n'y avait pas de nappe, les assiettesrendaient un bruit fêlé sur l'acajou ; et tous s'exclamaient, dans ce coin, car le nombre<strong>des</strong> cuisses était vraiment prodigieux.- Encore <strong>des</strong> volailles qui n'ont que <strong>des</strong> pattes! fit remarquer Mignot.Ceux qui avaient <strong>des</strong> morceaux de carcasse se fâchaient.Pourtant, la nourriture s'était beaucoup améliorée, depuis les aménagementsnouveaux. Mouret ne traitait plus avec un entrepreneur pour une somme fixe; ildirigeait aussi la cuisine, il en avait fait un service organisé <strong>com</strong>me un de ses rayons,ayant un chef, <strong>des</strong> sous-chefs, un inspecteur; et, s'il déboursait davantage, il obtenaitplus de travail d'un personnel mieux nourri, calcul d'une humanitairerie pratique quiavait longtemps consterné Bourdonde.- Allons,l a mienne est tendre tout de même, reprit Mignot.Passez donc le pain !Le gros pain faisait le tour, et lorsqu'il se fut coupé une tranche le dernier, il replantale couteau dans la croûte. Des retardataires accouraient à la file, un appétit féroce,doublé par la besogne du matin, soufflait sur les longues tables, d'un bout à l'autre duréfectoire. C'étaient un cliquetis grandissant de fourchettes, <strong>des</strong> glouglous debouteilles qu'on vidait, <strong>des</strong> chocs de verres reposés trop vivement, le bruit de meulede cinq cents mâchoires soli<strong>des</strong> broyant avec énergie. Et les paroles, rares encore,s'étouffaient dans les bouches pleines.Deloche, cependant, assis entre Baugé et Liénard, se trouvait presque en face deFavier, à quelques places de distance.Tous deux s'étaient lancé un regard de rancune. Des voisins chuchotaient, au courantde leur querelle de la veille. Puis, on avait ri de la malchance de Deloche, toujoursaffamé, et tombant toujours, par une sorte de <strong>des</strong>tinée maudite, sur le plus mauvaismorceau de la table. Cette fois, il venait d'apporter un cou de poulet et un débris decarcasse. Silencieux, il laissait plaisanter, il avalait de grosses bouchées de pain, enépluchant le cou avec l'art infini d'un garçon qui avait le respect de la viande.- Pourquoi ne réclamez-vous pas ? lui dit Baugé.Mais il haussa les épaules. À quoi bon ? ça ne tournait jamais bien. Quand il ne serésignait pas, les choses allaient plus mal.- Vous savez que les bobinards ont leur club, maintenant, raconta tout d'un coupMignot. Parfaitement, le Bobin-Club...Ça se passe chez un marchand de vin de la rue Saint-Honoré, qui leur loue une salle,le samedi.157

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