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Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

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guéridon. Un brusque rayon du soleil couchant, qui venait de paraître au bord d'ungrand nuage, dorait les cimes <strong>des</strong> marronniers du jardin, entrait par les fenêtres enune poussière d'or rouge, dont l'incendie allumait la brocatelle et les cuivres <strong>des</strong>meubles.- Par ici, mon cher baron, disait Mme Desforges. Je vous présente M. Octave Mouret,qui a le plus vif désir de vous témoigner sa grande admiration.Et, se tournant vers Octave, elle ajouta :- M. le baron Hartmann .Un sourire pinçait finement les lèvres du vieillard. C'était un homme petit etvigoureux, à grosse tête alsacienne, et dont la face épaisse s'éclairait d'une flammed'intelligence, au moindre pli de la bouche, au plus léger clignement <strong>des</strong> paupières.Depuis quinze jours, il résistait au désir d'Henriette, qui lui demandait cette entrevue ;non pas qu'il éprouvât une jalousie exagérée, résigné en homme d'esprit à son rôle depère ; mais parce que c'était le troisième ami dont Henriette lui faisait faire laconnaissance, et qu'à la longue, il craignait un peu le ridicule. <strong>Au</strong>ssi, en abordantOctave, avait-il le rire discret d'un protecteur riche, qui, s'il veut bien se montrercharmant, ne consent pas à être dupe.- Oh! monsieur, disait Mouret avec son enthousiasme de Provençal, la dernièreopération du Crédit Immobilier a été si étonnante ! Vous ne sauriez croire <strong>com</strong>bien jesuis heureux et fier de vous serrer la main.- Trop aimable, monsieur, trop aimable, répétait le baron toujours souriant. :Henriette les regardait de ses yeux clairs, sans un embarras. Elle restait entre lesdeux, levait sa jolie tête, allait de l'un à l'autre ; et, dans sa robe de dentelle quidécouvrait ses poignets et son cou délicats, elle avait un air ravi, à les voir si biend'accord.- Messieurs, finit-elle par dire, je vous laisse causer.Puis, se tournant vers Paul, qui s'était mis debout, elle ajouta :- Voulez-vous une tasse de thé, monsieur de Vallagnosc ?- Volontiers, madame.Et tous deux rentrèrent dans le salon.Lorsque Mouret eut repris sa place sur le canapé, près du baron Hartmann, il serépandit en nouveaux éloges à propos <strong>des</strong> opérations du Crédit Immobilier. Puis, ilattaqua le sujet, qui lui tenait au coeur, il parla de la nouvelle voie, du prolongementde la rue Réaumur, dont on allait ouvrir une section, sous le nom de rue du Dix-Décembre, entre la place de la Bourse et la place de l'Opéra. L'utilité publique étaitdéclarée depuis dix-huit mois, le jury d'expropriation venait d'être nommé, tout lequartier se passionnait pour cette trouée énorme, s'inquiétant de l'époque <strong>des</strong>travaux, s'intéressant aux maisons condamnées. Il y avait près de trois ans queMouret attendait ces travaux, d'abord dans la prévision d'un mouvement plus actif <strong>des</strong>affaires, ensuite avec <strong>des</strong> ambitions d'agrandissement, qu'il n'osait avouer tout haut,tant son rêve s'élargissait. Comme la rue du Dix-Décembre devait couper la rue deChoiseul et la rue de la Michodière, il voyait le <strong>Bonheur</strong> <strong>des</strong> <strong>Dames</strong> envahir tout lepâté entouré par ces rues et la rue Neuve-Saint-<strong>Au</strong>gustin, il l'imaginait déjà avec unefaçade de palais sur la voie nouvelle, dominateur, maître de la ville conquise. Et de làétait né son vif désir de connaître le baron Hartmann, lorsqu'il avait appris que leCrédit Immobilier, par un traité passé avec l'administration, prenait l'engagement depercer et d'établir la rue du Dix-Décembre, à la condition qu'on lui abandonnerait lapropriété <strong>des</strong> terrains en bordure.- Vraiment, répétait-il en tâchant de montrer un air naïf, vous leur livrerez la rue toutefaite, avec les égouts, les trottoirs, les becs de gaz ? Et les terrains en borduresuffiront pour vous indemniser ? Oh ! c'est curieux, très curieux ! Enfin, il arriva aupoint délicat. Il avait su que le Crédit Immobilier faisait, secrètement, acheter lesmaisons du pâté où se trouvait le <strong>Bonheur</strong> <strong>des</strong> <strong>Dames</strong>, non seulement celles quidevaient tomber sous la pioche <strong>des</strong> démolisseurs, mais encore les autres, celles qui38

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