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Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

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Mais ce qui parut toucher ces messieurs davantage, ce fut le bruit <strong>des</strong> bons rapportsde Robineau avec Gaujean :celui-ci, disait-on, poussait le premier à s'établir à son <strong>com</strong>pte dans le quartier, luioffrait les crédits les plus larges, afin de battre en brèche le <strong>Bonheur</strong> <strong>des</strong> <strong>Dames</strong>. Il yeut un silence.Ah ! ce Robineau rêvait de bataille! Mouret était devenu sérieux ; il affecta le mépris, ilévita de prendre une décision, <strong>com</strong>me si l'affaire n'avait pas eu d'importance. Onverrait, on lui parlerait. Et, tout de suite, il plaisanta avec Bouthemont, dont le père,débarqué l'avant-veille de sa petite boutique de Montpellier, avait failli étouffer <strong>des</strong>tupeur et d'indignation, en tombant dans le hall énorme où régnait son fils. On riaitencore du bonhomme, qui, retrouvant son aplomb de méridional, s'était mis à toutdénigrer et à prétendre que les nouveautés allaient finir sur le trottoir.- Justement, voici Robineau, murmura le chef de rayon. Je l'avais envoyé auréassortiment, pour éviter un conflit regrettable... Pardonnez-moi si j'insiste, mais leschoses en sont à un état si aigu, qu'il faut agir.En effet, Robineau, qui rentrait, passait et saluait ces messieurs, en se rendant à satable.Mouret se contenta de répéter:- C'est bon, nous verrons cela.Ils partirent. Hutin et Favier les attendaient toujours.Lorsqu'ils ne les virent pas reparaître, ils se soulagèrent. Est-ce que la direction,maintenant, <strong>des</strong>cendrait ainsi à chaque repas <strong>com</strong>pter leurs bouchées? Ce serait gai,si l'on ne pouvait même plus être libre en mangeant! La vérité était qu'ils venaient devoir rentrer Robineau, et que la belle humeur du patron les inquiétait sur l'issue de lalutte engagée par eux. Ils baissèrent la voix, ils cherchèrent <strong>des</strong> vexations nouvelles.- Mais je meurs! continua Hutin tout haut. On a encore plus faim en sortant de table !Pourtant, il avait mangé deux parts de confiture, la sienne et celle qu'il avait échangéecontre sa portion de riz. Tout d'un coup, il cria:- Zut! je me fends d'un supplément!... Victor, une troisième confiture !Le garçon achevait de servir les <strong>des</strong>serts. Ensuite, il apporta le café; et ceux qui enprenaient, lui donnaient tout de suite leurs trois sous. Quelques vendeurs s'en étaientallés, flânant le long du corridor, cherchant les coins noirs pour fumer une cigarette.Les autres restaient alanguis, devant la table en<strong>com</strong>brée de vaisselle grasse. Ilsroulaient <strong>des</strong> boulettes de mie de pain, revenaient sur les mêmes histoires, dansl'odeur de graillon, qu'ils ne sentaient plus, et dans la chaleur d'étuve, qui leurrougissait les oreilles. Les murs suaient, une asphyxie lente tombait de la voûtemoisie. Adossé contre le mur, Deloche, bourré de pain, digérait en silence, les yeuxlevés sur le soupirail; et sa récréation, tous les jours, après le déjeuner, était deregarder ainsi les pieds <strong>des</strong> passants qui filaient vite au ras du trottoir, <strong>des</strong> piedscoupés aux chevilles, gros souliers, bottes élégantes, fines bottines de femme, un vaet-vientcontinu de pieds vivants, sans corps et sans tête. Les jours de pluie, c'étaittrès sale.- Comment! déjà! cria Hutin.Une cloche sonnait au bout du couloir, il fallait laisser la place à la troisième table. Lesgarçons de service arrivaient avec <strong>des</strong> seaux d'eau tiède et de grosses éponges, pourlaver les toiles cirées. Lentement, les salles se vidaient, les vendeurs remontaient àleurs rayons, en traînant le long <strong>des</strong> marches. Et, dans la cuisine, le chef avait reprissa place devant le guichet, entre ses bassines de raie, de boeuf et de sauce, armé <strong>des</strong>es fourchettes et de ses cuillers, prêt à remplir de nouveau les assiettes, de sonmouvement rythmique d'horloge bien réglée.Comme Hutin et Favier s'attardaient,ils virent <strong>des</strong>cendre Denise.- M. Robineau est de retour, mademoiselle, dit le premier, avec une politessemoqueuse.- Il déjeune, ajouta l'autre. Mais si ça presse trop, vous pouvez entrer.91

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