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Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

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- Oui, j'ai à causer avec M. Mouret. Nous allons envahir votre petit salon.Alors, elle sortit, et sa robe de soie noire, contre la porte, eut un frôlement decouleuvre, filant dans les broussailles.Tout de suite, le baron manoeuvra pour emmener Mouret, en abandonnant ces damesà Bouthemont et à Vallagnosc. Puis, ils causèrent devant la fenêtre du salon voisin,debout, baissant la voix. C'était toute une affaire nouvelle. Depuis longtemps, Mouretcaressait le rêve de réaliser son ancien projet, l'envahissement de l'îlot entier par le<strong>Bonheur</strong> <strong>des</strong> <strong>Dames</strong>, de la rue Monsigny à la rue de la Michodière, et de la rue NeuveSaint-<strong>Au</strong>gustin à la rue du Dix-Décembre. Dans le pâté énorme, il y avait encore, surcette dernière voie, un vaste terrain en bordure, qu'il ne possédait point; et celasuffisait à gâter son triomphe, il était torturé par le besoin de <strong>com</strong>pléter sa conquête,de dresser, là, <strong>com</strong>me apothéose, une façade monumentale.Tant que l'entrée d'honneur se trouverait rue Neuve-Saint-<strong>Au</strong>gustin, dans une ruenoire du vieux Paris, son oeuvre demeurait infirme, manquait de logique ; il la voulaitafficher devant le nouveau Paris, sur une de ces jeunes avenues où passait au grandsoleil la cohue de la fin du siècle ; il la voyait dominer, s'imposer <strong>com</strong>me le palaisgéant du <strong>com</strong>merce, jeter plus d'ombre sur la ville que le vieux Louvre. Mais, jusquelà,il s'était heurté contre l'entêtement du Crédit Immobilier, qui tenait à sa premièreidée d'élever, le long du terrain en bordure, une concurrence au Grand-Hôtel. Lesplans étaient prêts, on attendait seulement le déblaiement de la rue du Dix-Décembre,pour creuser les fondations. Enfin, dans un dernier effort, Mouret avait presqueconvaincu le baron Hartmann.- Eh bien ! <strong>com</strong>mença celui-ci, nous avons eu hier un conseil, et je suis venu, pensantvous rencontrer et désireux de vous tenir au courant... Ils résistent toujours.Le jeune homme laissa échapper un geste nerveux.- Ce n'est pas raisonnable... Que disent-ils ?- Mon Dieu ! ils disent ce que je vous ai dit moi-même, ce que je pense encore unpeu... Votre façade n'est qu'un ornement, les nouvelles constructions n'agrandiraientque d'un dixième la superficie de vos magasins, et c'est jeter de bien grosses sommesdans une simple réclame.Du coup, Mouret éclata.- Une réclame ! une réclame ! En tout cas, celle-ci sera en pierre, et elle nousenterrera tous. Comprenez donc que ce sont nos affaires décuplées! En deux ans,nous rattrapons l'argent.Qu'importe ce que vous appelez du terrain perdu, si ce terrain vous rend un intérêténorme !... Vous verrez la foule, quand notre clientèle n'étranglera plus la rue Neuve-Saint-<strong>Au</strong>gustin, et qu'elle pourra librement se ruer par la voie large où six voituresrouleront à l'aise.- Sans doute, reprit le baron en riant. Mais vous êtes un poète dans votre genre, jevous le répète. Ces messieurs estiment qu'il y aurait danger à élargir encore vosaffaires. Ils veulent avoir de la prudence pour vous.- Comment! de la prudence ? Je ne <strong>com</strong>prends plus... Est-ce que les chiffres ne sontpas là et ne démontrent pas la progression constante de notre vente ? D'abord, avecun capital de cinq cent mille francs, je faisais deux millions d'affaires. Ce capitalpassait quatre fois. Puis, il est devenu de quatre millions, a passé dix fois et a produitquarante millions d'affaires.Enfin, après <strong>des</strong> augmentations successives, je viens de constater, lors du dernierinventaire, que le chiffre d'affaires atteint aujourd'hui le total de quatre-vingts millions; et le capital, qui n'a guère augmenté, car il est seulement de six millions, a doncpassé en marchandises sur nos <strong>com</strong>ptoirs plus de douze fois.Il élevait la voix, tapant les doigts de sa main droite sur la paume de sa main gauche,abattant les millions <strong>com</strong>me il aurait cassé <strong>des</strong> noisettes. Le baron l'interrompit.- Je sais, je sais... Mais vous n'espérez peut-être pas monter toujours ainsi ?170

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