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Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

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crut seulement sauvée, lorsqu'elle trouva enfin l'escalier. Mais, en haut, devant lerayon <strong>des</strong> confections, une terreur la saisit en apercevant une lanterne, dont l'oeilclignotant marchait : c'était une ronde, deux pompiers en train de marquer leurpassage aux cadrans <strong>des</strong> indicateurs. Elle resta une minute sans <strong>com</strong>prendre, elle lesregarda passer <strong>des</strong> châles à l'ameublement, puis à la lingerie, épouvantée de leurmanoeuvre étrange, de la clef qui grinçait, <strong>des</strong> portes de tôle qui retombaient avec unbruit de massacre. Quand ils approchèrent, elle se réfugia au fond du salon <strong>des</strong>dentelles, d'où le brusque appel d'une voix la fit aussitôt ressortir, pour gagner laporte de <strong>com</strong>munication en courant. Elle avait reconnu la voix de Deloche, il couchaitdans son rayon, sur un petit lit en fer, qu'il dressait lui-même tous les soirs ; et il n'ydormait pas encore, il y revivait, les yeux ouverts, les heures douces de la soirée.- Comment ! c'est vous, mademoiselle ! dit Mouret, que Denise trouva devant elle,dans l'escalier, une petite bougie de poche à la main.Elle balbutia, voulut expliquer qu'elle venait de chercher quelque chose au rayon. Maisil ne se fâchait point, il la regardait de son air à la fois paternel et curieux.- Vous aviez donc une permission de théâtre ?- Oui, monsieur.- Et vous êtes-vous divertie ?... A quel théâtre êtes-vous allée ?- Monsieur, je suis allée à la campagne.Cela le fit rire. Puis, il demanda, en appuyant sur les mots :- Toute seule ?- Non, monsieur, avec une amie, répondit-elle, les joues empourprées, honteuse de lapensée qu'il avait sans doute.Alors, il se tut. Mais il la regardait toujours, dans sa petite robe noire, coiffée de sonchapeau garni d'un seul ruban bleu.Est-ce que cette sauvageonne finirait par devenir une jolie fille ?Elle sentait bon de sa course au grand air, elle était charmante avec ses beauxcheveux épeurés sur son front. Et lui qui, depuis six mois, la traitait en enfant, qui laconseillait parfois, cédant à <strong>des</strong> idées d'expérience, à <strong>des</strong> envies méchantes de savoir<strong>com</strong>ment une femme poussait et se perdait dans Paris, il ne riait plus, il éprouvait unsentiment indéfinissable de surprise et de crainte, mêlé de tendresse. Sans doute,c'était un amant qui l'embellissait ainsi. A cette pensée, il lui sembla qu'un oiseaufavori, dont il jouait, venait de le piquer au sang.- Bonsoir, monsieur, murmura Denise, en continuant de monter, sans attendre.Il ne répondit pas, la regarda disparaître. Puis, il rentra chez lui.VIQuand la morte-Saison d'été fut Venue, Un Vent de panique souffla au <strong>Bonheur</strong> <strong>des</strong><strong>Dames</strong>. C'était le coup de terreur <strong>des</strong> congés, les renvois en masse dont la directionbalayait le magasin, vide de clientes pendant les chaleurs de juillet et d'août.Mouret, chaque matin, lorsqu'il faisait avec Bourdoncle son inspection, prenait à partles chefs de <strong>com</strong>ptoir, qu'il avait poussés, l'hiver, pour que la vente ne souffrît pas, àengager plus de vendeurs qu'il ne leur en fallait, quitte à écrémer ensuite leurpersonnel. Il s'agissait maintenant de diminuer les frais, en rendant au pavé un bontiers <strong>des</strong> <strong>com</strong>mis, les faibles qui se laissaient manger par les forts.- Voyons, disait-il, vous en avez là-dedans qui ne font pas votre affaire... On ne peutles garder pourtant à rester ainsi, les mains ballantes.Et, si le chef de <strong>com</strong>ptoir hésitait, ne sachant lesquels sacrifier :- Arrangez-vous, six vendeurs doivent vous suffire... Vous en reprendrez en octobre, ilen traîne assez dans les rues! D'ailleurs, Bourdonde se chargeait <strong>des</strong> exécutions. Ilavait, de ses lèvres minces, un terrible: "Passez à la caisse !" qui tombait <strong>com</strong>me un82

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