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Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

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on n'avait jamais vu ça, <strong>des</strong> <strong>com</strong>mis gagnaient à cette heure plus que <strong>des</strong><strong>com</strong>merçants, c'étaient les caissiers qui rachetaient les propriétés <strong>des</strong> patrons. <strong>Au</strong>ssitout craquait, la famille n'existait plus, on vivait à l'hôtel, au lieu de mangerhonnêtement la soupe chez soi. Enfin, il termina en prophétisant que le jeune Albertdévorerait plus tard la terre de Rambouillet avec <strong>des</strong> actrices.Mme Baudu l'écoutait, la tête droite sur l'oreiller, si pâle, que son visage avait lacouleur de la toile.- Ils t'ont payé, finit-elle par dire doucement.Du coup, Baudu resta muet. Il marcha quelques secon<strong>des</strong>, les yeux à terre. Puis, ilreprit :- Ils m'ont payé, c'est vrai ; et, après tout, leur argent est aussi bon qu'un autre... Ceserait drôle, de relever la maison avec cet argent-là. Ah! si je n'étais pas si vieux, sifatigué !Un long silence régna. Le drapier était envahi par <strong>des</strong> projets vagues. Brusquement,sa femme parla, les yeux au plafond, sans remuer la tête.- As-tu remarqué ta fille, depuis quelque temps ?- Non, répondit-il.- Eh bien! elle m'inquiète un peu... Elle pâlit, elle semble se désespérer.Debout devant le lit, il était plein de surprise.- Tiens! pourquoi donc ?... Si elle est malade, elle devrait le dire. Demain il faudrafaire venir le médecin.Mme Baudu restait toujours immobile. Après une grande minute, elle déclaraseulement de son air réfléchi :- Ce mariage avec Colomban, je crois qu'il vaudrait mieux en finir.Il la regarda, puis il se remit à marcher. Des faits lui revenaient: Etait-ce possible quesa fille tombât malade, à cause du <strong>com</strong>mis ? Elle l'aimait donc au point de ne pouvoirattendre ? Encore un malheur de ce côté ! Cela le bouleversait, d'autant plus qu'ilavait lui-même <strong>des</strong> idées arrêtées sur ce mariage. Jamais il n'aurait voulu le concluredans les conditions présentes. Pourtant, l'inquiétude l'attendrissait.- C'est bon, dit-il enfin, je parlerai à Colomban.Et, sans ajouter une parole, il continua sa promenade.Bientôt les yeux de sa femme se fermèrent, elle dormait toute blanche, <strong>com</strong>me morte.Lui, marchait encore. Avant de se coucher, il écarta les rideaux, il jeta un coup d'oeil ;de l'autre côté de la rue, les fenêtres béantes de l'ancien Hôtel Duvillard ouvraient <strong>des</strong>trous sur le chantier, où les ouvriers s'agitaient, dans l'éblouissement <strong>des</strong> lampesélectriques.Dès le lendemain matin, Boudu emmena Colomban au fond d'un étroit magasin del'entresol. La veille, il avait arrêté ce qu'il aurait à dire.- Mon garçon, <strong>com</strong>mença-t-il, tu sais que j'ai vendu ma propriété de Rambouillet. Celava nous permettre de donner un coup de collier... Mais, avant tout, je voudrais causerun peu avec toi.Le jeune homme, qui semblait redouter l'entretien, attendait d'un air gauche. Sespetits yeux clignotaient dans sa large face, et il restait la bouche ouverte, signe chezlui d'une perturbation profonde.- Ecoute-moi bien, reprit le drapier. Quand le père Hauchecorne m'a cédé le VieilElbeuf, la maison était prospère ; lui-même l'avait reçue autrefois du vieux Finet, enbon état... Tu connais mes idées : je croirais <strong>com</strong>mettre une vilaine action, si jepassais, diminué, à mes enfants ce dépôt de famille ; et c'est pourquoi j'ai toujoursreculé ton mariage avec Geneviève... Oui, je m'entêtais, j'espérais ramener laprospérité ancienne, je voulais te mettre les livres sous le nez, en disant :"Tiens ! l'année où je suis entré, on a vendu tant de drap, et cette année-ci, l'annéeoù je sors, on en a vendu dix mille ou vingt mille francs de plus... " Enfin, tu<strong>com</strong>prends, un serment que je me suis fait, le désir bien naturel de me prouver que lamaison n'a pas perdu entre mes mains. <strong>Au</strong>trement, il me semblerait que je vous vole.121

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