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Au Bonheur des Dames Emile ZOLA - livrefrance.com

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en lui imposant son choix, en lui persuadant qu'il savait mieux qu'elle l'étoffe dont elleavait besoin.- Madame, quel genre de soie ? demanda-t-il de son air le plus galant.Mme Desforges ouvrait à peine la bouche, qu'il reprenait :- Je sais, j'ai votre affaire.Quand la pièce de Paris-<strong>Bonheur</strong> fut dépliée, sur un coin étroit du <strong>com</strong>ptoir, entre <strong>des</strong>amoncellements d'autres soies, Mme Marty et sa fille s'approchèrent. Hutin, un peuinquiet, <strong>com</strong>prit qu'il s'agissait d'abord d'une fourniture pour celles-ci. Des paroles àdemi-voix s'échangeaient, Mme Desforges conseillait son amie.- Oh ! sans doute, murmurait-elle, une soie de cinq francs soixante n'en vaudra jamaisune de quinze, ni même une de dix.- Elle est bien chiffon, répétait Mme Marty. J'ai peur que, pour un manteau, elle n'aitpoint assez de corps.Cette remarque fit intervenir le vendeur. Il avait une politesse exagérée d'homme quine peut se tromper.- Mais, madame, la souplesse est la qualité de cette soie.Elle ne se chiffonne pas... C'est absolument ce qu'il vous faut.Impressionnées par une telle assurance, ces dames se taisaient. Elle avaient reprisl'étoffe, l'examinaient de nouveau, lorsqu'elles se sentirent touchées à l'épaule. C'étaitMme Guibal qui, depuis une heure, marchait dans le magasin, d'un pas de promenade,donnant à ses yeux la joie <strong>des</strong> richesses entassées, sans acheter seulement un mètrede calicot. Et il y eut encore là une explosion de bavardages.- Comment ! c'est vous!- Oui, c'est moi, un peu bousculée seulement.- N'est-ce pas ? il y a du monde, on ne circule plus... Et le salon oriental?- Ravissant !- Mon Dieu ! quel succès!... Restez donc, nous irons là-haut ensemble.- Non, merci, j'en viens.Hutin attendait, cachant son impatience sous le sourire qui ne quittait pas ses lèvres.Est-ce qu'elles allaient le tenir longtemps là ? Les femmes vraiment se gênaient peu,c'était <strong>com</strong>me si elles lui avaient volé de l'argent dans sa bourse. Enfin, Mme Guibals'éloigna, continua sa lente promenade en tournant d'un air ravi, autour du grandétalage de soies.- Moi, à votre place, j'achèterais le manteau tout fait, dit Mme Desforges en revenantau Paris-<strong>Bonheur</strong>, ça vous coûtera moins cher.- Il est vrai qu'avec les garnitures et la façon, murmura Mme Marty. Puis, on a lechoix.Toutes trois s'étaient levées. Mme Desforges reprit, debout devant Hutin :- Veuillez nous conduire aux confections.Il resta saisi, n'étant pas habitué à de pareilles défaites.Comment ! la dame brune n'achetait rien! son flair l'avait donc trompé ! Il abandonnaMme Marty, il insista auprès d'Henriette, essaya sur elle sa puissance de bon vendeur.- Et vous, madame, ne désirez-vous pas voir nos satins, nos velours ?... Nous avons<strong>des</strong> occasions extraordinaires.- Merci, une autre fois, répondit-elle tranquillement, en ne le regardant pas plusqu'elle n'avait regardé Mignot.Hutin dut reprendre les articles de Mme Marty et marcher devant ces dames, pour lesmener aux confections. Mais il eut encore la douleur de voir que Robineau était entrain de vendre à Mme Boutarel un fort métrage de soie. Décidément, il n'avait plus denez, il ne ferait pas quatre sous. Une rage d'homme dépouillé, mangé par les autres,s'aigrissait sous la correction aimable de ses manières.- <strong>Au</strong> premier, mesdames, dit-il, sans cesser de sourire.Ce n'était plus chose facile que de gagner l'escalier. Une houle <strong>com</strong>pacte de têtesroulait sous les galeries, s'élargissant en fleuve débordé au milieu du hall. Toute une58

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